- Equipe Grenet -


Dimanche 1er Mars

     Le docteur est venu pour piquer les gars du Curtiollet, plus Guy Reboul qui, comme chacun sait, ne perd jamais une occasion de se coucher.
Le chef Guers avait organisé une ballade au Grand Mont. Y prirent part : le chef Guers, le toubib, Lambert, Ribière, Eymieux et Fouchère.
Quelques gars descendirent à Arêches très tôt sur le matin "mettre un peu de dimanche à leurs âmes chrétiennes".
Le toubib, précédemment interwiévé par Avice lui recommanda de mettre du formol sur une côte dont il souffrait. Profitons-en pour faire remarquer que toutes les maladies du chalet ont la bonne fortune de se pouvoir traiter par le moyen de quatre éléments simples :
- Formol - Mercurochrome - Eau de Daquin - Huile goménolée -
Cette gamme de médication, modeste en apparence, régit tous les microbes, du rhume simple à la tuberculose et du panaris au cancer ! Aussi ne serions-nous pas étonnés que le jour où Guy Reboul avouera au toubib qu'i a la vérole, celui-ci lui recommande quelques massages vigoureux à l'huile goménolée, ou de faire trempette dans une petite flaque d'eau de Daquin !
A midi, le chef Guers offre une polenta a quelques-uns des gars, chez les Gérard, ceux qu'il a appelés et d'un nom qui leur restera,"le St Guérin du bas".
Toutes les idées savamment élaborées et clairement exposées par le toubib dans son petit laïus sur l'hygiène dentaire semblent l'abandonner... on entend claquer ses mâchoires.
Falcoz et Jeunet viennent respirer un instant l'air de leur petite Patrie.
Ducar, alias Pelletier, alias Paris-Soir, alias Casanova raconte ses succès auprès des vedettes qu'il dut interwiever, et sa brillante conduite pendant la guerre d'Espagne. Il s'en bouche un coin à lui-même. Sur sa trogne stupide, sa moustache ébauche un Arc de Triomphe. Quelle modestie !
Une heureuse nouvelle pourtant a couru le chalet, monsieur Avice, le tenant de ces lignes, vient d'être élevé à la dignité de chef de patrouille. Nous ne pouvons laisser passer cette nomination sans la saluer au passage de quelques phrases de félicitations. Heureux celui qui peut supporter les honneurs sans orgueil. Les quelques lignes précédentes s'adressent également à Falque (Bijoux pour les intimes) qui fait partie de la même promotion.

Lundi 2 Mars

     Pelletier dit Casanova, dit Paris-Soir, dit Ducon (3500 h. par mois) ayant menacé la communauté d'un abonnement à Paris-Soir s'est heurté à une résistance aussi compréhensible qu'opiniâtre et désespérée. Il a cependant été décidé à titre de compensation de lui ouvrir le cahier de la seconde équipe, c'est dire, hélas, le chemin parcouru par les gars du chef Seguin !
Travail à la route. Il s'agirait dit-on de l'approfondir. Il est même question dans les hautes sphères de creuser à même le sol. Les avantages de cette nouvelle combinaison consistent dans l'extension toujours plus grande qui pourrait être donné à de tels travaux, l'épaisseur de la croûte terrestre étant de quelques 60 km. Quelques volontaires judicieux et subtils seraient même d'avis d'abandonner ces travaux et de creuser un trou dans un endroit convenablement choisi, devant le chalet par exemple. Le même nombre de pelles et de calories pourrait être utilisés à cette tâche, et les ouvriers pourraient jouir de la proximité de leurs pénates. L'on pourrait aussi faire des petits pâtés au bord du torrent. Cette dernière suggestion se heurte cependant à la carence du matériel.
Durand va partir dans une Ecole de Cadres. Enfin ! l'on fait appel aux compétences ! Il serait même dit-on, question de le nommer Baden Power. Cesai est parti pour la course de patrouille. Dans la fièvre du départ, il a oublié son couteau. Comment pourra-t-il donc baffrer et se curer les dents ?
A part ça, rien de nouveau : le chalet est toujours à sa place, Baldet intelligent, joli et distingué, et Ducon est toujours Ducon.
En dernière heure et pour clore ce débat, le chef Guers nous apprend qu'il songe maintenant à constituer une équipe pour remettre la neige dans le fossé afin de permettre au traîneau de glisser.

Mardi 3 Mars

     Depuis hier, la cérémonie du décrassage est remise en honneur. Avec un esprit d'à propos aussi, pour le moins déconcerté, Reboul est tombé malade.
Le travail aplanit la route. Nos jeunes recrues font preuve d'un assez beau style, à part Casanova, alias Ducon, alias Paris-Soir, alias Pelletier qui tire au cul d'une façon insolente.
Le chef Guers, le chef Seguin et Avice sont allés à Roselend voir les gars de St Guérin qui s'entraînent à la course de patrouilles. Le chef Mugnier les conduit par monts et par vaux... Ils en bavent.
Le chef Seguin reste à Roselend...ti.ti . ta.ta... ti.ti . ta.ta ! - . - ... - !
Le soir venu, Cirouge et sa clique achètent une bonne bouteille. Courteline a fait remarquer quelque part que l'ivresse était un excellent critère pour juger de l'éducation d'un homme : celui-ci restera correct et digne, celui-là, sitôt gratté son vernis de civilisation, noyé dans l'alcool, apparaitra sous sa figure réelle, qui n'est souvent que la caricature du masque dont il se couvre.
Et les chansons obscènes d'égayer notre crépuscule. Et le chœur des poivrots en rut de de s'exciter par des propos gaillards : "Ah ! si je tenais ¼ d'heure Danielle Darrieux dans mes bras, qu'est-ce que je lui mettrais" !

Mercredi 4 Mars

     Le chef Guers a organisé une ballade au Riondet. Y prennent part : le chef Guers, Barbier, Barnaud, Baldet, Weller. Belle montée au dessus de la Louze jusqu'au sommet du rocher d'où l'on aperçoit le chalet, tout petit comme la ferme de Monsieur Seguin (A. Daudet : titi.tata). Un tutu de nuages s'est assis sur le Mont-Blanc : c'est le mauvais temps qui s'annonce.
Une jolie descente. Le chef Guers prend les devants, file comme un dard, s'assoit sur un petit tas de neige et attend sa caravane d'un air désabusé.
Le soir, repos. Quelques gars de Pinpo étant annoncés, le chef Guers a demandé au chef Baldet de leur céder provisoirement sa chambre et de s'installer lui-même dans la chambre de passage. Le déménagement, commencé à 2 heures, devait se terminer avec le crépuscule.
Le commun des mortels ne peut imaginer ce que contient la chambre d'un chef. Et un esprit non averti pourrait s'étonner de l'invraisemblable quantité d'objets inutiles autant qu'inattendus que l'on y put découvrir : Ah ! que de vieux brocs et de vieux pantalons ! combien de gamelles, de chemises et de souliers furent trouvés, qui n'avaient plus qu'un rêve : dormir à jamais dans leur sépulture de poussière, près d l'homme de Millau, cet amoureux des choses anciennes, ce fervent de la poussière et de l'antiquité !

Jeudi 5 Mars

     Un temps couvert et très doux, les avalanches descendent. Les gars s'emploient à déblayer les abords du chalet. Herr Blanc, vaguemestre, a reçu d'un bleu (Garel) cette liste de commissions ahurissante :
1 passe-lame, 10 cartes postales, 10 timbres à 1,50, 10 timbres à 1,20, 1 pochette enveloppe et papier à lettre, 1 insigne de Beaufort, 4 grandes photos de Beaufort et environs, 1 rouleau de pellicules 6X8, 3 boites d'allumettes, 100 g de bonbons, des andouillettes et tripes sans tickets, 2 kg de fruits (oranges, pommes ou mandarines). Et nous avions cru un instant que le père Noël était mort ! Pourquoi pas des pamplemousses, des goyaves et des ananas ! Herr Blanc, qui est un honnête homme, concluait : "ou c'est un humoriste qui s'ignore, ou c'est un crétin". Nous nous prononcerons plutôt pour la première hypothèse.
Le soir où nous demandions aux bleus ce qu'ils faisaient dans le civil, ce même soir où Pelletier, Alias Paris-Soir, alias Casanova, alias Ducon nous disait très simplement avoir tout vu, tout compris, tout entendu, ce même Garel répondait magnifiquement :"Mais, je faisais le désespoir de mes parents" !
Ajoutons qu'il aime le bon vin, qu'il a remisé son quart l'on ne sait pas où, et qu'il ne s'attable jamais sans son petit abreuvoir.
Vallat nous est revenu bredouille.
Nous savions déjà que Garague chantait faux à faire tourner le lait de toutes les bêtes de la contrée. Ce dernier trait démontre définitivement qu'il ne sait pas apprécier une gueule du plus haut comique.
Perret et Vallet rentrent de permission, le second avec tout un assortiment de pipes et de farts ! Bravo ! C'est beau quand même quand on est loin des yeux de rester près du cœur.
Enfin, nous perdons provisoirement, le chef Guers qui part pour Roselend d'où il conduira la patrouille par le col du Pic, Arêches, Beaufort, Hauteluce, les Savoies, Beaufort et Roselend, jusqu'au triomphe, ou au coup de pompe.
Paris-Soir, alias Pelletier, alias Casanova, alias Ducon, aurait depuis travaillé. Bien qu'invraisemblable, ce bruit court le chalet. Nous en prenons bonne note, sous toute réserve !
Monsieur Avice, très intelligent, pourra quand même apprendre à écrire le mot "quart".

Vendredi 6 Mars

     A partir de cette époque, le chalet continue sa vie tranquille (du moins à ce que m'ont conté les habitants des dits lieux).
A Roselend, l'équipe St Guérin, par un temps effroyable se prépare à la course de sélection (Roselend, Curtillets, Hauteluce, Curtillets, Roselend. Ce gentil petit parcours fut effectué sous la pluie avec 12 kg dans le dos et les skis dans la m...

Samedi 7 mars

     La patrouille de St Guérin rentre au logis. Falque (nommé chef de patrouille), Fouchère, Desrobert, Jeunet, Borel, Lambert, Chatillon, Falcoz retrouvent avec joie la chaude atmosphère de l'abbaye.

Dimanche 8 Mars

     Rien à signaler. Repos. Préparatifs pour Huez.

Lundi 9 Mars

     Départ de la patrouille pour l'Alpe d'Huez où vont se disputer les championnats.
Au chalet, rien à signaler.

Mardi 10 mars

     Col des Embouchues, neige dure. L'après-midi, école de ski : passage de portes. A 5 h, neige légère.

Mercredi 11 mars

     Col de la Louze. A mi-chemin, neige abondante, visibilité nulle, arrêt et descente dans poudreuse.
Vers 16 h, soleil.
A la veillée, chants, guitare.

Jeudi 12 mars

     R.A.S. si ce n'est la montée du chef Cérino, qui couche ici.

Vendredi 10 mars

     Montée au Riondet. Bonne neige. Descente excellente.
Pendant ce temps, à Huez les copains - St Guérin a fourni presque une patrouille - en bavent comme des moujiks pour gravir la Croix de Fer, puis cet interminable col de Poutron où ils arrivent, pour se geler les doigts à décoller leurs peaux. Ils n'ont plus qu'à se laisser glisser sur l'Alpe.
Non, il y a encore cette barre rocheuse sur laquelle se ruent ensemble au moins 20 types. Un dernier effort et ils dévalent la piste du lac Blanc, c'est l'arrivée. Malgré les déboires que leur a causé leur matériel, les équipiers de "Beaufort II" ont gardé la place de 6ème.


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