Samedi 1er Novembre

     Repos. Chacun goûte comme il se doit cette journée réservée aux ablutions.
Fête de la Toussaint, fête des Morts, on se souvient... A cinq heures, enfin les 9 nouveaux font leur entrée, parmi eux se trouve bien James Couttet. La curiosité est satisfaite, le champion du monde est un brave mec. Le soir quelques instants, puis le repos.

Dimanche 2 Novembre

     Le sol est couvert de neige fraîche, la nature semble s'être endormie pour un long moment. Les conversations battent leur plein : fondra t-elle, fondra-t-elle pas ?
Veillée, Pfeiffer essaye de concrétiser sa conférence en présentant un spectacle. L'atmosphère n'y est pas encore, ce n'est qu'une question de temps. Lemoine seul arrive à secouer le malaise.
Les quatre vieux nous semblent minables et pourtant...

Lundi 3 novembre

     Branle-bas de combat à St Guérin : formation des équipes et des patrouilles. Patrouille Lambert au bois ; travail pénible du fait de la neige fraîche, quelques arbres abattus et tous les volontaires rentrent trempés.
L'après-midi des panneaux sont enlevés de la cabane des espagnols et vont servir à la construction d'un hangar et d'une écurie pour notre fidèle serviteur à longues oreilles.

Mardi 4 novembre

     Une patrouille au bois, une autre descend à Arêches pour le ravito, les autres au hangar.
Le bois, le bois, toujours le bois, c'est une obsession. Si seulement la neige pouvait fondre. Lambert irait jusqu'à donner une main ? pour qu'elle s'en aille.

Mercredi 5 novembre

     Deux patrouilles au bois, une le matin, l'autre le soir. On se grouille car le dégel ne nous est promis que pour le printemps.
Astiquage à partir de cinq heures, le chef Testot-Ferry doit arriver. Comme tout est trop propre il ne vient pas.
En revanche, un gros garçon revient de permission, et de quelle permission : un mariage et le sien par dessus le marché. Il a un air si ravi que c'est à croire qu'il est heureux d'avoir fait la bêtise (sans astuce). Un petit laïus du chef Guers le récompense de son effort.

Jeudi 8 novembre

     La neige tombe encore, le travail au bois est de plus en plus pénible. Les bicyclettes ne fonctionne pas, le câble est en chômage et les billes restent au câble. Grave décision, on installe un cabestan.

Vendredi 7 novembre

     Le chef Guers et le chef Seguin sont partis pour Pralognan. Honilh est seul maître à bord après Dieu et Pfeiffer.
Couttet au reçu d'un télégramme se rend au chevet de sa mère.
Toujours le bois. Baldet revient de Roselend et prend en main une patrouille.

Samedi 8 Novembre

     Un groupe de volontaires monté au bois abat un boulot de géant, les troncs arrivent avec régularité au câble, nous en comptons une trentaine.
Le soir, on fait fonctionner le câble, les billes dévalent sur le câble avec une vitesse énorme. En bas, débandade générale, il y aura de la viande collée au rochers déclare d'un air sentencieux le menuisier Carteron.

Dimanche 9 Novembre

     Beaucoup de monde à Arêches. Nous nous pressons en foule à l'église pour entendre le chantre concurrent déloyal de notre ami Honilh.

Lundi 10 Novembre

     Patrouilles Honilh et Baldet au bois. Des troncs s'abattent, un cri, on se précipite, Vallet sort de dessous un amas de branches. Rien de cassé, enfin, il a parlé.
Le chef Guers revient de Pralognan avec une mine superbe, la cuisine a aussi son importance dans la réunion des cadres.

Mardi 11 novembre

     Une équipe monte au bois, elle ne redescend déjeuner qu'à 4 heures...
Lemoine arrive en boitant et il ne sent plus ses pieds.
Le soir, au drapeau, blâme pour cinq d'entre nous, coupables d'avoir mangé illicitement 2 kg de pain. De plus, ils devront avec 20 kg de bois sur le dos se rendre cette nuit au Planey, puis revenir à St Guérin et redescendre à Beaufort pour terminer ici.
Le chef nous transmet les consignes de Pralognan : renforcement de la tenue aux Couleurs, nouveaux commandements : << Attention pour les Couleurs - "Paré" - "Personne devant" >>.
Quatre jours de palabres nous ont valu des ordres nouveaux. Par ces temps nous ne sommes plus à un ordre nouveau près.

Mercredi 12 Novembre

     Tous les volontaires au bois. Résultat : descente massive de troncs, un véritable ratissage.
A 23 heures, bruits de voix, rires, visite de 20 garçons du Planey venus en pèlerinage à St Guérin à la suite d'une disparition de fromage. Espéraient-ils un miracle ? Weller, sans bruit, s'introduit dans le chalet.

Jeudi 13 Novembre

     Piqûre générale pour la deuxième équipe. Rien à signaler sauf la disparition éphémère de la grande gueule du chalet (Falcoz) essayer de séduire St Pierre, hélas lui il avait tout compris.
Diète jusqu'à 4 heures, 50 g de pain et du café. La 1ère équipe ne peut plus bouger, comme quoi le malheur des uns fait le bonheur des autres.
La neige a disparu.

Vendredi 14 novembre

     Les épaules se ressentent de la plaisanterie de la veille. Beaucoup d'affamés, à midi une soupe et 100 g de pain. Le soir 150 g de pain et des légumes.

Samedi 15 novembre

     Tout le monde debout. Germain est encore dans les songes.
On travaille sous le hangar. Tiens, mais il est fini ! Formidable les spécialistes. Une écurie pour la miaule se dessine. Enfin de la bidoche.
Hornilh essaye de nous expliquer ce qu'est un dérouillement. Résultat : polémique terrible entre compétences et incompétences.

Dimanche 16 Novembre

     Repos général. "On se retourne" disait Fouchère. Il y a trop de monde au déjeuner.

Lundi 17 Novembre

     Une équipe au bois, le câble va de nouveau fonctionner. On attend des cordes et des poulies.
Les douches fonctionnent. Chic à Villaume. On installe le câble dans l'après-midi.

Mardi 18 Novembre

     Tout le monde debout, décrassage.
1ère équipe au bois, 2ème équipe au câble. 25 troncs descendus.
A trois heures, nettoyage du chalet. Le chef de Centre Testot-Ferry vient nous faire visite, tout le monde s'affaire. On nettoie de la cave au grenier, des pieds à la tête. Fébrilement l'équipe d'Art Dramatique répète dans un coin de chambrée. Honilh fait chanter "le vieux chalet".
A cinq heures le chef Testot-Ferry arrive en voiture, branle-bas de combat. Le chef Guers le retient dans sa chambre, ainsi tout sera terminé. Les Couleurs mettent un temps fou à descendre. Inspection du chalet, rien ne cloche, ça va.
Le dîner s'annonce sous de brillants augures. Durand, passé maitre dans l'art des matefaims tient dignement la queue de la poêle, Pfeiffer rouge comme un coq s'affaire au milieu des plats, de gamelles qui contiennent des pommes farcies.
Cirouge, radieux, fait le service. Mutte fait son office de popotier sans bégaiements notoires. Les chefs, hilares, se tapent la cloche d'une façon indécente : potage, nouilles à l'italienne, matefaims, patates farcies, au nez des pauvres volontaires qui dégustent potage, nouilles, purée de pommes de terre et pommes. Pas de pluches, copieuses libations, les chefs ont du mal à se lever de table.
Enfin, la veillée, un seul mot pour la caractériser : au poil. Pfeiffer s'est maintenu dans la limite du "m'as tu vu", il fut parfait. Les chants et bans se succèdent sans arrêt. Lemoine se surpasse dans un numéro de chanteur nègre ; Honilh, Charavin, Blanc et Falcoz sortent un quatuor qui rupine. Les quatres vieux eux-mêmes font sensation "le vieux chalet" mené par Honilh gagne tous les suffrages.
Enfin, le chef Testot-Ferry se lève et commence son laïus sur "L'aviation d'assaut", et plus particulièrement sur le parrain de la 1ère équipe, le commandant Grenet. Eloquence, simple, directe, qui va droit au cœur.
Récits de guerre et souvenirs terminent cette causerie. L'un d'entre nous résume son opinion sur le chef par cette phrase "type formidable". Les "adieux" terminent cette magnifique veillée qui a concrétisé "l'esprit St Guérin".

Mercredi 19 Novembre

     Le chef Testot-Ferry regagne Beaufort, une équipe monte au câble, une autre aux branches.
Rien à signaler sur l'ensemble de la journée.

Jeudi 20 Novembre

     Le chef Seguin entraîne la IIème équipe à la coupe de bois. Ralliez-vous à mon panache gris, tel est le cri de ce jour.

Vendredi 21 Novembre

     Les billes descendent rapidement. Une équipe au bois sous la direction du chef Seguin. Bonne journée de travail, le tas de bois augmente à vue d'œil. Merci à St Martin de nous avoir envoyé son été.
Le chef Seguin nous quitte. Mystère ?

Samedi 22 Novembre

     Le travail continue, une équipe au bois, l'autre descend des troncs.
L'après-midi, tous les troncs sont descendus. Hurrah, St Guérin a remporté la victoire sur le froid. Galavardin, Barneau et Lapierre ont la grippe ; Barneau, même au lit, conserve sa dignité.

Dimmanche 23 Novembre

     Repos courrier. Cirouge descend en charrette à Beaufort, son doigt ayant pris des proportions inquiétantes. On isole les malades.
Pfeiffer regagne de popularité en faisant des beignets aux pommes succulents.

Lundi 24 Novembre

     IIème équipe au bois. Le tas de bois augmente, le chef Guers nous revient avec un camion de navets et de patates.
Le toubib ou plus exactement l'apprenti toubib monte visiter les malades. Ils sont en bonne voie de guérison.

Mardi 25 Novembre

     Ière équipe au bois, les troncs descendent en sauts impressionnants.
Le chef Seguin améliore l'ordinaire de quelques-uns en pêchant 5 truites magnifiques.
Il paraît que le séjour des chefs à Pralognan fut fructueux et qu'ils arrivèrent à des conclusions intéressantes. Amende honorable est faite par le tenant de ces lignes. On aura tout vu.
Des nouvelles de Cirouge : il est mieux quant au physique mais déficient quant au moral malgré les soins attentifs du toubib auxiliaire Martin Lalande.

Mercredi 26 Novembre

     IIème équipe au bois ; la coupe se termine aujourd'hui, l'hiver peut arriver, St Guérin est paré.
Les malades se remettent.
Galavardin reprend de l'activité, aussi bien à table que comme aide menuisier.
Barneau s'agite et son esprit devient un peu plus clair si l'on peut dire. Doit-on le dire : Pfeiffer est monté au bois et le chef Seguin a rangé son panache.

Jeudi 27 Novembre

     Ière équipe monte terminer la coupe de bois. A la fin de la journée les troncs s'amassaient alentour du câble. Les chefs descendent à Beaufort.
Doit-on le dire : Baldet se lave.
Les chefs rentrent de Beaufort messagers d'une nouvelle qui agite immédiatement tout le chalet. La 1ère équipe part demain matin en Tarentaise pour faire de l'exploration régionale : Hurrah.

Vendredi 28 Novembre



     Il est 6 h ½, le réveil est à peine sonné que déjà le chalet ressemble à une ruche. Toute la 1ère équipe se prépare à sa première course en montagne.
Au petit déjeuner rapidement expédié succèdent les instructions du chef Guers sur l'Exploration. Pfeiffer surmonte l'énorme difficulté qui consiste pour lui à tout préparer à l'heure dite.
Un dernier salut aux Couleurs et la caravane s'ébranle joyeusement derrière son chef de file en direction du Cormet d'Arêches (2152 m).
Pendant 1 h ½ la caravane chemine, soit en forêt, soit à travers prés, le soleil nous prodigue ses rayons les plus chauds. D'un pas régulier, long et balancé, le chef Seguin entraîne par bonds réguliers son équipe vers le sommet. Bientôt nous marchons dans la
neige. Nos ombres démesurément grandies se reflètent sur la blancheur de la pente.
Enfin, le Cormet d'Arêches est atteint et une pause d'un quart d'heure nous permet d'admirer les sommets qui nous entourent : Grand Mont, Crêt du Rêt, Crêt du Bœuf.
Nous dévalons maintenant sur la Côte d'Aime, but de notre voyage, nous traversons une magnifique forêt de mélèzes où les rayons de soleil jouent à cache-cache entre les troncs.
A 3 h ½, en cagoule et file indienne, nous faisons notre entrée dans le village (Au pas, au pas dans le village dit la chanson).
La réalité nous oblige à dire que notre entrée ne fut remarquée que par quelques chiens, il est vrai que notre ami Honilh n'était pas en voix.
Bientôt, le chef Guers, après une entrevue avec le maire qui se met en quatre pour nous faire plaisir, nous fait installer dans la salle des fêtes.
Les sacs posés, nous nous organisons. Vallat et Cezet se chargent de la cuisine ; Vallat montre des qualités énormes de ménagères, écumant les fermes avec un bon sourire répandu sur toute sa face.
Quartier libre pour tout le monde, chacun se précipite au lieu de son enquête, qui chez le curé de qui on retire, en plus de renseignements précieux, quelques pots de miel succulents, qui chez l'instituteur, qui chez l'habitant.
Le soir, un repas formidable nous réunit tous autour de tréteaux blanchis à la chaux. Les volontaires sont ravis de l'accueil de la Côte d'Aime.
L'exploration prend la tournure d'un raid gastronomique. La veillée est brève car la route fut longue et quelques-uns ressentent la fatigue. Même sur la paille, il y en a qui ronflent. Quant à Dussert il a un sommeil angélique.

Samedi 29 Novembre

     Réveil 8 heures. Petit déjeuner au lait. Nous arborons tous un sourire magnifique.
La matinée se passe à flâner, à prendre des photos et à goûter le vin du seul bistrot dont le seul orgueil n'est pas, comme on pourrait le croire, un vin quelconque, mais une vache qui, au dire des amateurs (Mercerot,Burlet), est magnifique.
Le déjeuner dépasse en importance tout ce que l'on peut imaginer, le lait coule à flots. Galavardin, de peur de mourir de faim se goinfre jusqu'à en crever.
L'après-midi, le ventre plein, la démarche lourde, l'allure du propriétaire en vacances, l'équipe se rend à Valezan pour visiter les chapelles qui ornent la route. Promenade agréable et de digestion. La promenade terminée, chacun se rend dans les fermes visitées la veille.
Le soir, des chants égayent l'atmosphère, on se prépare pour la grande ballade du lendemain. On regagne nos paillasses de bonne heure, le départ étant fixé à 3 heures.

Dimanche 30 Novembre

     Dans la nuit, la caravane quitte la Côte d'Aime après avoir rangé et nettoyé la salle des fêtes.> Reboul malade reste jusqu'à Lundi, d'ici il regagnera Beaufort par le train.
Nous sommes déjà engagés dans une curieuse vallée qui va nous conduire au pied de la Pierra Menta. Nous faisons une première halte pour nous restaurer et permettre à Galavardin de se remettre de coliques naissantes.
Ca y est, l'estomac rempli, nous repartons, le soleil dore déjà les cimes et petit à petit, il se rapproche de nous. Galavardin semble peiner de plus en plus.
Nous entrons maintenant dans la neige, le chef Guers fait la trace jusqu'au chalet de la Balme. La trace est faite... et la marche facile.
Galavardin s'effondre tout d'un coup. A partir de maintenant et jusqu'au retour, nous sommes obligés de le porter. Barbiser, Couttet et Marcillet vont d'abors s'en charger pendant les passages les plus durs.
La montée du Brémon se révèle très pénible du fait de la neige poudreuse. Notre marche est considérablement ralentie par Galavardin.
Enfin le sommet est atteint et là, en plein soleil, un casse-croûte réparateur est pris. La descente est pénible, neige croûteuse. Le chef Guers voudrait passer par le col du Coin mais finalement, à cause de notre retard, nous filons sur le passage des Embouchues.
Nous venons pendant près de trois heures, de cheminer au milieu d'un cirque magnifique de montagnes, de rochers, de neige. Chacun admire les pentes merveilleuses qui s'offriront à notre activité printanière. Le passage des Embouchues se révèle très dur.
Alerte aux chamois, j'en vois un. Non. Si. Les chamois sont les deux moniteurs de Roselend en promenade sur les cimes.



Ouf, que ces derniers cinquante mètres étaient pénibles. La proximité du chalet rend à tous leur énergie un peu entamée par les tiraillements d'estomac.
La descente s'effectue très rapidement, non sans goûter toute la beauté du paysage qui s'étale devant nous. Enfin le chalet se détache dans le fond, c'est St Guérin. La marche se fait plus sure, le pas plus sonore et c'est triomphants que nous rentrons au chalet. La vue et le cœur plein de merveilles que nous avions vues. Salley soutient qu'il a assez mangé durant ces trois jours, c'est un comble.

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