- Equipe Vincent II -
Frère Prieur Dimanche 15 Novembre
       Un soleil magnifique nous accueille le matin, à notre réveil, un peu paresseux. Tant mieux : c'est aujourd'hui en effet, que notre promotion sera baptisée.
A 10 heures, nous sommes réunis sur la terrasse du chalet, discutant et supputant les tortures qui nous attendent. Muraz secoue sa tête d'enfant gâté, avec un peu d'appréhension. Malgré tout la bonne humeur règne chez tous et l'équipe aura belle allure tout à l'heure avec ses gars qui sourient dans leur tenue qu'ils ont voulue aujourd'hui impeccable.
Les voilà, alignés sur trois rangs, qui vont subir d'abord le baptême d'épreuve avant d'être admis dans l'austère abbaye de St Guérin. Les membres du chapitre s'alignent sur la terrasse, pleins d'onction et de majesté en leur somptueuse robe de bure faite ... d'une couverture et d'une sangle !
Grand Prieur (chef Degouex), Révérend Père (chef Dumont), Pères (les C.P.) et Frères divers (Jouisseur, Econome, Avocat du Diable), tous sont là. Et pourtant, nous ne voyons que la stature élancée du chef Charavin. Ah ! le voici qui s'avance,
pompeusement drapé dans un sac de couchage, s'efforçant d'être digne, un Prieur conscient de son autorité si justement représentée par un rond de poêle en auréole et un coutelas accouplé avec un pique-feu à à la main.
Couverts de cagoules diaboliques, les deux exécuteurs des hautes œuvres le suivent d'une allure décidée qui donne le frisson.
Ils s'affairent devant l'escalier où nous voyons bientôt de grandes flammes qui crépitent au soleil.
"A genoux, sinistre troupeau ! ", proclame le Prieur.
Pour faire plaisir à cette voix qui veut être forte et nous caresse, emportée par la brise, nous nous mettons à genoux.
Le Frère-greffier, Noblemaire, nous lit les statuts de l'Abbaye où, à travers de multiples chapitres et paragraphes, la définition du "bleu" brille par sa longueur, sinon par la noblesse des épithètes dont on veut bien l'agrémenter.
baptème du bleu
Un premier "bleu" est invité à aller s'agenouiller sur l'escalier, devant le Prieur qui, d'une chiquenaude renvoie en arrière le rond de poêle qui lui écrasait une puce sur le front. Tandis que les rires fusent de toutes parts, les injures à nouveau se bousculent tant elles se pressent dans une harangue du vénérable Prieur, en plus parfait latin, dont nous ne retenons que ces mots à rendre jaloux Virgile : "Mutare nostram Merdam in stella magnifica".
Après l'avoir frappé sur l'épaule du plat de son poignard, le très vénérable Prieur remet le baptisé entre les mains du Frère Jouisseur qui lui dessine au front la clef légendaire de St Guérin, tandis que le Frère Econome l'oint de son huile prodigue.
Est-ce tout ? Pour effacer les souvenirs du monde et purifier ce futur moine, les deux bourreaux l'invitent à "revêtir" le costume d'Adam et l'empoignant vigoureusement le font rôtir avec soin sur le feu dont le Chef Dumont entretient avec un zèle inlassable le joyeux crépitement.
Chacun se prête avec bonne grâce à cette cérémonie, le recueillement serait grand s'il n'était troublé de temps en temps par les glapissements d'un purifié, un peu trop "échauffé", et une odeur de roussi qui s'élève peu à peu et persiste longtemps après le passage très attendu du sieur Santy, dont le système pileux sortira très éprouvé de cette histoire.
Un objectif curieux a fixé les principales scènes de la cérémonie et on va chercher la plus belle clef sur la tête photogénique de Papin. La gravité est revenue sur les visages quelques instants plus tard lorsque nous assistons aux couleurs que nous n'avons pas encore le droit de saluer.
Dîner sans histoire. A trois heures tout le monde est réuni devant le chalet. C'est le moment solennel de la journée, les anciens s'alignent d'un côté de l'escalier, les bleus de l'autre avec application, soucieux de faire
Mutare nostram Merdam in stella magnifica
honneur à leur Chef de Patrouille qui montre tant de dévouement et d'amicale compréhension pour eux.
Un volontaire de haute taille est désigné pour recevoir le fanion, il s'installe sur l'escalier, encadré de deux autres de petite taille : Aubry et Simon. Le Chef Degouex s'adresse à nous ; en quelques mots simples il nous rappelle que nous sommes ici pour travailler à fortifier notre corps et forger notre âme.
Il attend de nous que nous soyons les dignes successeurs des anciens de St Guérin, une équipe qui fait honneur à son glorieux patron, le Lieutenant aviateur Vincent. Cette équipe, elle écoute avec gravité et soutient le regard de son Chef. Chacun se promet de faire effort sur lui même afin de ne pas tromper cette attente, cette confiance du Chef. Aujourd'hui qu'elle entre dans la famille de St Guérin, le moment n'est-il pas venu de la présenter ?
La voici, 25 bougres qui ont nom :
Trarieux - Nourissat - Dénerolle - Simon - Couttey - Béthoux - Delzenne - Julien - Santy - Roc Nerrey - Tesseire - Froget - Parisot - Aubry - Belley - Papin - Larrouzé - Bernolt - Duréault - Richard - Presset - Blairy - Camors - Bossoney - Muraz - Ancey - Maniquet - Burlet. Le Chef Lanquetot la commande.
     remise du fanion
lieutenant aviateur Le soir, Gosswiller a réussi sans entamer le ravitaillement de la semaine, à corser notre menu et si les plats ne sont pas abondants, la préparation est excellente. Mimi s'est dépensé tout l'après midi et nous avons la surprise de déguster une excellente tarte.
Et voici notre tour de distraire les anciens, le soir, c'est notre équipe qui a monté la veillée. La plupart n'ont pas l'habitude de ces jeux de société, mais la bonne volonté aidant, chacun a apporté son grain de sel.
Quelques chants bien réussis mettent tout de suite en train et voici le "Lycée Papillon, sketch bien connu dont le succès est dû pour une bonne part au jeu inimitable de Papin. Belley nous montre avec beaucoup de brio comment, la mère d'abord, le fils à J.M. cousent leurs boutons. La "puce" encore, par Belley, la "glace" par Papin et Parisot, un grand drame loufoque en V actes, 1 prologue, 1 épilogue par Trarieux et Béthoux agrémentent cette soirée entrecoupée d'excellentes histoires par Richard, Parisot et Trarieux. Pas un instant le tonus a faibli et c'est par des mots de félicitations et d'encouragements pour nous inciter à monter un prochain dégagement que le Chef Degouex termine cette veillée qui aura beaucoup contribué à sceller entre nous une solide et joyeuse amitié.

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