Dans l'immense désarroi le sort des hommes de la classe 1940 apparaissait tragiquement. Incorporés depuis quelques mois, ils n'avaient connu de leur passage dans l'armée qu'une hâtive instruction et la défaite. Regroupés sur les bases aériennes, malgré les efforts entrepris pour leur donner une occupation, sans avions, sans missions, ils étaient moralement à la dérive.
Le 1er août j'était convoqué à Vichy par le Général d'Aviation d'Harcourt. Ce qu'il me dit peut se résumer ainsi :
<< Nous ne pouvons libérer les hommes de la classe 40 dans l'état où ils sont. Il faut les reprendre, leur donner le sens de la vie, le goût de l'effort, les mettre dans une ambiance qui les élève, leur donner la fierté d'eux-mêmes, en refaire des combattants. Je vous ai donc demandé de venir car votre passé de montagnard doit vous permettre de conduire à bien cette tâche. >>

Je demandais 24 heures pour réfléchir. Le lendemain j'acceptais.
Le Général d'Harcourt me précisait alors que nous recevrions les garçons de la classe 40 mis en position de "requis civils" ceci pour éviter que les commissions d'armistice allemandes et italiennes puissent intervenir. Il m'autorisait à prélever le nécessaire sur les bases.
Je lui demandais de détacher auprès de moi un Commissaire de l'Armée de l'Air pour régler les questions administratives. Le Commandant de Roussy de Sales, de son Cabinet, assurerait la liaison avec lui et l'Etat-Major de l'Air. Je lui demandais en outre de diriger au plus tôt sur Chambéry des Officiers de l'Armée de l'Air pour assurer le premier encadrement. Je pensais être en mesure de les accueillir quinze jours plus tard.
Jeunesse et Montagne était créée.
Je retournais à Chambéry afin d'y installer un embryon de bureaux -nous ne pouvions nous installer dans un immeuble militaire, toujours à cause des commissions d'armistice- je n'avais pas le temps de prospecter les possibilités locales et je jetais mon dévolu sur la salle arrière d'un Café situé en face de la gare. Ce fut sous les auspices, de la bienveillance des patrons, de la bonne volonté générale, de la proximité de la gare, d'une étonnante activité et... du vin blanc de Savoie, que le berceau de J.M. fut tressé.
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Jacques FAURE