Centre de Saint Etienne en Devoluy
par René Méjean, Maître d'ouvrage, puis Chef du Centre
Constructions et Installation
III - Les chantiers de l’été 1941 : vaste programme, formidable travail
1- Logement, plans des constructions et début des travaux.
En attendant, à notre arrivée et provisoirement, dans de petits hameaux proches ou moins proches, des granges ou de vieilles bergeries ont été mises au service de logement à nos équipes, une installée à Giers, une au Courtil forment le premier groupe : une autre au Collet, le deuxième groupe ; enfin une troisième à l’Enclus abritait le troisième.
L’œuvre à accomplir pour la construction de ces chalets est exaltante pour Jeunesse et Montagne et pour les jeunes. C’est la consécration d’une stabilité matérielle, fort heureuse. Le centre vivra dans ses propres constructions réalisées par ses propres jeunes et pour eux. De plus, pour les habitants du village, c’était un gage de l’œuvre qui se révèlera durable même si nous savions devoir partir définitivement un jour.
Mais que de difficultés devant nous, ciment et chaux se faisant rares et introuvables
ailleurs qu’à Gap. Sable à aller chercher à trente km et à remonter sur huit cents mètres de dénivelé. Le bois de charpente n’était pas assuré. Les instruments de
travail eux-mêmes étaient à acquérir ! Maçons à trouver, main d’œuvre des volontaires pas formée !
De plus, il fallait utiliser les logements déjà trouvés en complétant par les tentes d’Uriage, pendant le temps des
travaux et au plus proche des chantiers. Mais c’était l’été et on verrait bien !
Peut-on moins bien travailler que lorsque l’on sait qu’on joue avec le temps et avec la saison déjà avancée : il faut terminer avant le froid et le gel c'est-à-dire avant le 15 octobre. Aussi les jeunes sont-ils heureux de leur labeur ; le soleil bronze leur torse.
Qu'importe si les constructions empêchent les activités en haute montagne, qu'importe si ceux du Centre d’Ancelle ont fait le Mont Blanc et la Meije.
C'est au sein d'un tel travail que les jeunes apprécient leurs chefs, qu’ils se sentent solidaires les uns des autres et que l’esprit d’équipe encore développé par de nombreuses réunions se crée petit à petit. Et ce sont de nouveaux hommes qui, à pied font les vingt-cinq kilomètres de Saint-Etienne à Veynes, de nuit, pour une courte et bonne permission de 15 août.
La construction des chalets était donc une œuvre primordiale si l’on voulait loger les gens au chaud pour l’hiver. Pendant que ces dispositions sont prises, des champs sont cultivés et ensemencés, des pommes de terre sont plantées, des jardins potagers fumés et mis en valeur.
On a vu par ailleurs la genèse des plans d’acquisition, de locations ou d’achat ainsi que l’organisation du travail. Ce sera mon lot de chef de centre que j’étais en réalité depuis le départ de Da en juin et l’arrivée d’un remplaçant, Pierre Thollon, le frère de Robert, arrivant fin juillet, du civil, à Marseille, ne connaissant rien de Jeunesse et Montagne, ni de cette vie quasi militaire, encore moins de ce qui avait été prévu lors des nombreuses réunions de mai et début juin.
Et déjà, l’on songe à l’hiver : la coupe de bois que les Eaux-et-Forêts nous ont concédée est à vingt kilomètres de Saint-Etienne ; pour l’assurer le groupe de Giers et du Courtil vont s’installer sur place pour tout l’été.
2- Les plans des chalets
Les plans avaient été établis par l’architecte attaché au PC de Grenoble, M. Sabatou ! Ce dernier avait fait aussi simple que possible : en réalité, la juxtaposition heureuse d’un rez-de-chaussée bâti de maçonnerie de pierres sur lequel viendrait s’adapter une de ces baraques en bois du nom de Cocaba, d’un profil standard, largement en usage dans l’Armée, vaste élément d’un seul tenant en forme d’ogive serti d’une couverture de toile goudronnée.
Cette structure assure à la fois les parois de l’étage d’habitation et la toiture, et ceci avec lesm oindres frais, très peu de matériel et le maximum de rapidité et de facilité pour le montage.
Chaque chalet est long de quatorze mètres, large de sept.
La plus belle pièce est la salle commune du bas, de sept mètres sur sept, deux fenêtres donnant au sud, les deux autres à l’ouest. Parquet du bas et plafond sont en bois, les murs de pierre recouverts de boiseries isolantes, chauffage par poêle central en briques réfractaires, genre alsacien ! Au-delà, en fond de chalet, la chambre du chef, la cuisine, le magasin et des lavabos WC. Les meubles rustiques peuvent être confectionnés sur place par les jeunes et pour augmenter encore le confort un petit bar et une bibliothèque complètent la qualité de vie.
A l’étage, vingt-quatre lits, pour l’équipe et la chambre du moniteur, un grand balcon du sud, sur toute la largeur du dortoir, permettra aux jeunes de prendre le soleil et de s’aérer avant de prendre le travail de l’après-midi.
Pour parer aux froidures hivernales, un épais revêtement en paille tressée est accolé à la superstructure de toiture. Sans compter sur les petits mobiliers rustiques à réaliser par les volontaires.
3– Organisation du travail et mise en condition
Chaque chantier est sous la responsabilité directe d’un moniteur de ski et d’alpinisme, chargé d’en assurer la direction, de noter le nombre d’heures de travail et des volumes de matériaux employés. Il a sous ses ordres un maçon professionnel, payé à l’heure, logé et nourri par nos soins.
Pour servir ce maçon, une équipe de huit jeunes n’est pas de trop. Quatre sont occupés en permanence à gâcher et préparer le mortier, deux à le charrier et deux autres de leur mieux, aident le maçon à casser les pierres, les mettre en place, bref à monter les murs. Par ailleurs autant que possible, et pour ne pas perdre la flamme, quatre jeunes par équipe vont à l’école d’escalade, chaque jour, par roulement, sous la conduite du moniteur de montagne chargé de cours. Le tour à l’école de rocher est calculé de telle sorte que chaque jeune y participe une fois par semaine.
La cuisine absorbe quelques hommes, le ravitaillement quelques autres, le bois que l’on cherche à plusieurs kilomètres, d’autres encore.
Enfin les aménagements de toute nature (terrassements, bricolage, réparations) occupent le reste des disponibles.
Tout ceci représente le début pour les trois mois àvenir, d’une activité dure, méthodique, source de fatigue mais aussi de joie de la nécessité du travail à accomplir.
Compte rendu m’est fait, au centre, de la marche des travaux et de leurs besoins. Des visites fréquentes de l’architecte et des chefs rectifient les imperfections constatées.
A Rioupes encore, autre hameau perché au dessus de l’entrée au village sur le plateau, une superbe étendue plate et verte a été découverte. Hélas, de gros travaux d’assèchement sont à prévoir car l’eau de fonte des neiges séjourne au printemps près d‘un mois sur ce terrain qui fait légèrement cuvette, les travaux de construction envisagés n’ont pas été retenus et sont reportés à l’année prochaine.
4– Le journal de l’été
Les habitations occupées ou à bâtir forment autour de Saint-Etienne une vaste étoile, dont la plus grande branche n’a pas plus de trois kilomètres. Cette heureuse répartition permet une marche régulière du Centre et cela se fera encore mieux sentir cet hiver.
Pour les constructions, il suffisait donc de monter les effectifs de l’Enclus jusqu’à deux équipes complètes et de créer un groupe au Pré. Ce fut possible fin mai début juin, avec l’arrivée des premiers volontaires pour JM des contingents trimestriels appelés au Service National Obligatoire (SNO), décrété en janvier.
Ces nouveaux incorporés comblèrent le déficit de l’Enclus, l’ancien groupe du Collet fut transféré au Pré ; les jeunes logèrent à ces deux endroits sur le chantier même, sous de grandes tentes reçues de l’Ecole Nationale des Cadres d’Uriage./pr>
La construction des chalets était donc une œuvre primordiale si l’on voulait loger les gens au chaud pour l’hiver.
Fin juin, les terrains sont piquetés, les fouilles commencées et les ruines déblayées. Le travail avance plus rapidement mais il est rude.Pour aller vite et rattraper le temps perdu, tandis que les jours sont longs, la journée est portée à douze heures.
Le soir, il n’y a pas un seul moyen d'éclairage et tout le monde doit aller se coucher sans pouvoir occuper l’après souper aux petites affaires coutumières : écrire, lire, se délasser.
Mais peut-on moins bien travailler que lorsqu’on sait qu’on joue avec le temps et avec la saison déjà avancée, il faut terminer avant le froid et le gel c'est-à-dire avant le 15 octobre.
Aussi, les jeunes sont-ils heureux de leur labeur; le soleil bronze leur torse, Qu'importe si les constructions empêchent les activités en haute montagne, qu'importe si ceux du Centre d’Ancelle ont fait le Mont Blanc et la Meije.
Enfin les aménagements de toute nature (terrassements, bricolage, réparations) occupent le reste des disponibles. Tout ceci représente le début pour les trois mois à venir, d’une activité dure, méthodique, source de fatigue mais aussi de joie de la nécessité du travail à accomplir. Des visites fréquentes de l’architecte et des chefs rectifient les imperfections.
Pendant que ces dispositions sont prises, des champs sont cultivés et ensemencés, des pommes de terre sont plantées, des jardins potagers fumés et mis en valeur.
IV - Armée de l’Air présente ! Visite inspection du chef d’état major général de l’Armée de l’Air d’armistice.
1- Baptême du chalet Romatet
Mais le grand jour sera le 12 septembre, lorsque nous apprendrons la visite du général Romatet (3), chef d’Etat-major général de l’Armée de l’Air, et son arrivée très tôt le matin à Saint Etienne pour une cérémonie de baptême du chalet du Pré à son nom !
Ce fut une belle rencontre, avec tout l’Etat-Major de Grenoble et le capitaine Archaimbault de Vichy que nous voyions pour la première fois. La cérémonie commença avec une allocution du grand chef, de Roussy de Sales puis une réponse du général. Après quoi il y eut le baptême des locaux inachevés d’ailleurs puis la cérémonie de montée des couleurs ! Les photos ci-dessous donnent vie à cette rencontre exceptionnelle.
Nous en retirions le sentiment d’appartenir toujours directement à l’Armée de l’Air, même si nous n’étions pas directement administrés par elle et nous le comprenions bien.
2- La vie du centre (été, début automne 1941)
Et déjà, l’on songe à l’hiver : la coupe de bois que les Eaux-et-Forêts nous ont concédée est à vingt kilomètres de Saint Etienne ; pour l’assurer le groupe de Giers et du Courtil vont s’installer sur place pour tout l’été.
C'est au sein d'un tel travail que les jeunes apprécient leurs chefs, qu’ils se sentent solidaires les uns des autres et que l’esprit d’équipe encore développé par de nombreuses réunions se crée petit à petit. Et ce sont de nouveaux hommes qui, à pied, font les vingt-cinq kilomètres de Saint-Etienne à Veynes, de nuit, pourune courte et bonne permission de 15 Août. Pour ma propre part, comme chef de centre, l’administration était réduite au minimum.
Les chantiers étaient éloignés de plusieurs kilomètres, les personnels très occupés et l’organisation du temps en charge des chefs de groupes De Prémorel à l’Enclus avec deux chalets à construire et Cardot au Pré.
Dans chaque lieu, les chefs d’équipe et les chefs de groupe, les agents et le moniteur n’avaient besoin d’aucun soutien du Centre pour fonctionner au mieux.
Tout était donc décentralisé.
Le chef de l’Enclus, Charles de Prémorel était de mes anciens de l’Ecole de l’air. Je lui faisais totale confiance et je n’attendais de lui et de Cardot ou Claverie au Pré que les demandes éventuelles qu’ils pourraient me faire. Les contacts se faisaient aussi, d’ailleurs au niveau de mes adjoints au centre.
Nous allions à pied et cela restreignait nos mouvements. Les chefs des groupes ne venaient au centre que pour des besoins exprimés tardant à être réalisés !
Moi je veillais à l’approvisionnement en matériaux, en outils selon la responsabilité que l’on m’avait expressément confiée. J’ai noté dans mes carnets des ravitaillements de ce genre et des allers à Gap ou Veynes. Je payais aussi les factures de loyer, les maçons ! De temps à autre je provoquais une réunion de chefs pour faire le point et je rendais compte à Grenoble !
Cela me paraissait naturel et je le faisais sans me poser de questions : le résultat était là. Tout avançait correctement. Je voyais surtout les chantiers du Pré tout à côté ! Beaucoup de photos ont été prises par mes soins et je bénis mon père de ce cadeau d’un appareil dès 1936.
De tout cela, une autre photo et un vieux petit carnet témoin.
Archives René Méjean