Lundi 7 Décembre
7 heures ! Branle-bas et, ô surprise, pas de décrassage. Après une nuit très excitée à l'idée de la " course ", on se prépare avec agitation. Tout le chalet est retourné. Des propos fusent de toutes parts. On en saisit un : << Eh ! L'ingénieur emportes-tu du savon ? >>. Bah ! On ne se lave plus ! Et chaque volontaire enfouit dans son sac, pêle-mêle, dans un assemblage plus ou moins hétéroclite, pain, sardines, brosse à dents, chaussettes odoriférantes, chocolat, etc... Cela forme dans le sac un assemblage assez disparate qui ne manque pas de cohésion après la grêle de coups de poings dont on l‘a gratifié afin de le faire tenir dans le sac. Le tout est ajusté sur le sac avec un art plus ou moins consommé. C‘est là qu‘on reconnaît le vieux campeur déjà habitué à ce genre de choses. Varin D‘Ainvelle exhibe sur son sac un long boudin, mal ficelé et mal rempli, qui prend quelques contorsions malheureuses. Il appelle cela, sa " couvrante ". Le Chef Martineau vient mettre le holà, et chacun replie ses couvertures dans les dimensions réglementaires. Enfin ! parés pour le départ on hisse les couleurs et l'équipe s'ébranle, gonflée à bloc. Dans la descente à Arêches, les deux chalets rivalisent d‘entrain et de bonne humeur. La traversée du village au pas cadencé par nos chants de route, produit un effet "boeuf" sur les indigènes. Quelques photos sont prises, puis le Planey nous quitte pour une autre direction. Bientôt nous touchons à Beaufort. Ravito et magnifiques chaussettes blanches (sans pieds d'ailleurs). Puis nous attaquons la montée au col des Saisies par un petit sentier sous bois qui nous découvrira le Mont Blanc dans toute sa splendeur. Première halte, 1635 mètres. Un repas très substantiel nous attend au "Chalet hôtel du Col des Saisies". Nous avons déjà 4 heures de marche à notre actif, mais la satisfaction morale élimine toute impression de fatigue physique. Puis nous entreprenons la descente vers N. D. de Bellecombe, de plus en plus gonflés. Néammoins,après 2 heures et 1/2 de marche, nous ne sommes pas mécontents d'atteindre le bivouac. Il s'effectue dans une grange où le sommeil nous prend à peine installés. Lever à 6 heures après un déjeuner des plus confortables (Bouillie au lait). Nous partons pour les Aravis. Au Col, dans une tenue impeccable, nous rencontrons les Haut-Savoyards à qui nous remettons le fanion que nous avons porté si haut. Constatons que l'Equipe des Murgerets enfonce nettement l'Equipe de Thorens à tous les points de vue. La petite cérémonie très simple terminée, nous reprenons la route de N. D. quelque peu émus d'avoir quitté notre fanion, mais heureux d'avoir rempli notre mission. Atteignons Flumet à midi et N. D. à midi et demie, où un repas plantureux nous prépare le retour au chalet. A 2 heures, départ pour le Col des Saisies. L'allure est très moyenne, car un pari est en jeu. Le Chef a misé sur l'arrivée aux Murgerets à 8 heures. Après une heure de marche, nous prenons un chemin forestier fait d'énormes cailloux qui nous lapident. Le sommet est-il derrière ces arbres ?... Non... Déception... Jamais sommet ne fut si désiré. Les sacs sont lourds, les jambes se raidissent et prennent une cadence d'automate. Là... entre les arbres, est-ce vraiment le ciel ? Oui... ouf... Les sacs s'allègent, les épaules ne font plus mal, car à 300 mètres, on aperçoit le "chalet hôtel" où le casse-croûte nous attire, tel un aimant. Je plains le civil qui ne connaît pas la joie d'arriver au but, et surtout cette joie d'être 18 camarades qui se soutiennent l'un l'autre, car ici le physique ne compte plus. Tout n'est que moral. |
(Suite Mardi) |
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