<< (...) Donc à partir de ce premier déclenchement catastrophique du Service du Travail obligatoire affectant la classe 42, un certain nombre de mesures ont dues être prises et un certain nombre de mesures en ont épargné beaucoup. Mais il faut reconnaître que si, par exemple, pour des gens particulièrement protégés comme l'était la dernière promotion de l'Ecole de l'Air qui était provisoirement dans un chalet en montagne, sous la coupe de Jeunesse & Montagne, bien que ne participant pas à ses activités ni à sa hiérarchie, avait pu être rappelée par le Général Carayon et remis dans un endroit en sécurité pour y échapper précisément puisqu'ils étaient de cette classe d'âge au STO. Voilà une mesure exceptionnelle prise à la faveur de ces gars. Après cette première bombe qui a éclaté au mois de mars -si je ne me trompe pas- en mars 43, ma première réaction fut bien entendu d'envisager le démantèlement de Jeunesse & Montagne et m'en être ouvert immédiatement au Général d'Harcourt qui avait été arrêté par la Gestapo et venait d'être relâché, mais vivait clandestinement. Et il a été décidé qu'en effet on ne pouvait pas exposer des jeunes volontaires et du personnel ayant des attaches avec l'aviation à être envoyé comme travailleurs en Allemagne. C'est une épée de Damoclès qu'il fallait enlever et on a cherché la parade. La première, en un sens, était la suppression de Jeunesse & Montagne en tant qu'organisme officiel et il était impossible de mettre les gens dans le maquis sinon c'eût été l'intervention certaine de la Werhmacht, plus exactement. C'étaient donc des mesures de détails qui pouvaient être prises, je dirais presque individuelles. En fait, devant ce problème, la question a été posée tant à Londres qu'à Alger et on m'a demandé de maintenir Jeunesse & Montagne jusqu'à la réponse de Londres, ce qui fut fait. La question qui se pose, par conséquent : maintient-on, peut-on maintenir ou non, peut-on dissoudre Jeunesse & Montagne ? Et la question est posée. Mais pour la poser, c'est une liaison qui doit se faire, la liaison doit être faite par l'ingénieur général Henri Ziegler qui est au cabinet du Général d'Harcourt et qui doit se rendre à Alger. Son voyage est reporté et enfin on décide d'attendre que les contacts soient pris. La réponse apportée, "on doit maintenir Jeunesse & Montagne", Ziegler a déjà vu De Gaulle à Londres en juillet 43, mais ce n'est qu'à son voyage, en octobre 43 qu'il est dit de la part d'Alger, comme de Londres d'avoir à maintenir Jeunesse & Montagne malgré le S.T.O. et ses risques conséquents. Donc les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles d'abord pour les cadres, ensuite aussi en ce qui concerne les initiatives de recrutement. D'autre part, la liberté de nos activités diminue au fur et à mesure que les exigences de l'occupant augmentent en ce qui concerne notamment les travaux. C'est alors qu'est prise la décision fin 43 de transférer Jeunesse & Montagne dans les industries aéronautiques de la zone sud où ils pourraient être à la disposition des ingénieurs de l'aéronautique qui sont des amis, bien sûr, et ils ne risqueront pas d'être envoyés en Allemagne. Ce moment de mi-décembre 1943 est un moment où on sort de la montagne et progressivement on rejoint les industries aéronautiques. Ce sont les industries à Bourges, Limoges, Aulnat; Deols, Lyon, Villeurbanne, Saint-Jean-de-Maurienne, Figeac, Périgueux, Toulouse, Blagnac, etc... Cette mesure a évidemment pour effet de stopper les activités classiques normales de Jeunesse et Montagne, mais de conserver les effectifs et les cadres en vue d'un passage -n'appelons pas ça au maquis- mais dans la Résistance pour réaliser quelques chose de cohérent si possible.(...) >>
"André de ROUSSY DE SALES raconte J.M." |