Le 10 mai 1940, comme ses voisins hollandais, belge et luxembourgeois, la France est envahie par les Panzerdivisionen. L'armée de l'air française dispose d'une aviation de chasse correctement approvisionnée en appareils modernes. En revanche, l'aviation de bombardement n'a reçu qu'un cinquième des livraisons prévues par le plan V et l'aviation de renseignements seulement la moitié.
Malgré l'acceptation d'un nouveau plan de réarmement axé sur le développement du bombardement, la production d'avions nouveaux ne se fait pas aussi vite que l'exige l'urgence de la situation. Pour faire front à l'ennemi, quatre zones d'opérations aériennes sont commandées par le général Vuillemin ; le général Têtu dirige quant à lui les forces aériennes de coopération. Les Britanniques participent à la bataille ; toutefois, ce renfort ne parvient pas à égaler les forces de la Luftwaffe. Le 13 mai, débute la bataille de la Meuse où l'aviation soutient les actions de l'armée de terre, mais les troupes françaises sont obligées de se replier.
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Jusqu'au 23 mai, l'aviation assure la couverture de l'armée de terre et se concentre sur les colonnes ennemies en marche.
Le 28 mai, la Belgique capitule pendant que les armées du Nord sont encerclées par les Allemands.
La bataille de Dunkerque et celle de la Somme ne permettent pas d'arrêter les Allemands. Les pertes en pilotes et en matériel sont considérables parler de la destruction des aérodromes, usines, dépôts. Enfin, l'entrée en guerre de l'Italie achève d'épuiser les faibles réserves de l'armée de l'air.
Après la Hollande et le Luxembourg, c'est au tour de la France de déposer les armes. L'armistice contraint les pilotes à se réfugier dans le sud du pays, en Angleterre ou en Afrique du Nord. En six semaines de combat, l'armée de l'air totalise tués, 364 blessés, 100 disparus et environ appareils perdus. Même si le chiffre des 1000 victoires de l'armée de l'air peut être contesté, la Luftwaffe est affaiblie et ne peut se lancer immédiatement à l'assaut de l'Angleterre.
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Au fil des semaines, les pertes s'accroissent d'autant plus que l'aviation apparaît, aux yeux des responsables terrestres dont les forces sont enfoncées et dispersées par les Panzer, comme l'ultime moyen de freiner l'avance allemande. Les généraux de l'armée de terre aux abois ne discernent plus, dans une armée de l'air, les appareils, dont les forces s'épuisent du fait d'une asphyxie logistique, qu'un simple corps de cavalerie destiné à fermer les brèches qui se produisent dans leur front. Cette conception coûteuse en matériels et en hommes entraîne par ailleurs de très vives tensions entre les deux commandements.
L'approvisionnement en matériel demeure sans conteste le problème majeur auquel sont confrontés les responsables aériens pendant la bataille de mai-juin 1940. Les avions, pourtant fabriqués en grandes séries, ont été livrés avec une extrême lenteur aux unités de première ligne. Dans les entrepôts de l'arrière s'entassent des centaines d'appareils alors que les pilotes du front manquent cruellement de moyens. En fait, depuis le début du réarmement aérien massif, lancé avec le plan V, le général Vuillemin est préoccupé par les problèmes de logistique.
La plus grande difficulté à laquelle se heurtent les responsables de la production au sein du ministère de l'Air consiste à fournir des avions dits "bons de guerre" aux unités navigantes. A peine achevé, le chasseur, le bombardier, ou l'avion de renseignement destiné à l'armée de l'air est envoyé à la piste pour subir ses essais et ses derniers réglages. Cette mise au point défintive exige des centaines, voire des milliers d'heures de travail supplémentaires, alors que l'avion en question est compté sorti d'usine. Confronté à un tel problème, le Général Vuillemin ne cache pas déception. Les appareils de première ligne présentent d'impor- tantes déficiences qui nécessitent d'interminables opé- rations de révision, sans compter le fait qu'un grand nombre d'avions ne peut être affecté aux formations de campagne, faute de disposer de l'armement et des accessoires indispensables. Jusqu'à la fin de la campagne de mai 1940 subsiste une dramatique et inconcevable absence de synchronisation entre les fabrications de cellules et les sorties d'équipements. A l'évidence, les groupes de combat commencent à manquer d'appareils dès le 15 mai. Par un étrange paradoxe, alors que la production aéronautique continue de croître, les unités de première ligne ne reçoivent toujours pas les chasseurs, les bombardiers et les appareils de reconnaissance dont elles ont besoin pour continuer la lutte.
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Face à la gravité de la situation, le commandant en chef des forces aériennes est contraint de jeter dans la bataille des unités qui n'ont même pas achevé leur transformation.
Après l'évacuation de Dunkerque (28 mai-3 juin), la situation s'est détériorée à un point tel que le Général Vuillemin lance un nouveau cri d'alarme, en réclamant l'envoi en ligne de tous les avions modernes en service dans les centres d'instruction de l'intérieur avec leurs éauipages et leurs pilotes. Au cours des dernières semaines de la bataille de France, les groupes en cours de transformation iront réceptionner leurs avions sur le terrain même des usines, laissant sur place leurs matériels plus anciens.
L'histoire de l'approvisionnement en avions de l'armée de l'air pendant la campagne de mai-juin 1940 est celle d'une lente mais inéluctable asphyxie. Malgré toutes les mesures prises en ce sens, rien n'aurait pu venir empêcher l'aviation militaire française de manquer d'avions "bons de guerre". Des projections faites après la défaite révèlent que, si la campagne s'était poursuivie au-delà de la fin de juin, l'armée de l'air aurait dû cesser le combat.
Le bilan de six semaines de combat met en valeur des pertes fort lourdes en personnel, avec 40% d'officiers et 20% de sous-officiers et hommes de troupe navigants aux armées tués, blessés ou disparus. Près de 45% des avions comptés dans les effectifs au 10 mai 1940, soit 850, ont été détruits au combat, au sol ou par accident. Pourtant, au moment où l'armistice entre en vigueur, le 24 juin 1940, les aviateurs n'ont pas le sentiment d'avoir été battus. Ils revendiquent quelques 850 avions allemands détruits, dont 730 en combat aérien, le reste du fait des défenses antiaériennes, et sont prêts à continuer le combat en Afrique du Nord.
En mai-juin 1940, l'armée de l'air a perdu la bataille du matériel ; elle aurait de toute façon péri d'asphyxie avant la mi-juillet, si la guerre s'était prolongée. Il n'en reste pas moins des centaines de navigants expérimentés et d'avions intacts dans les unités et les entrepôts, des avions et des navigants qui représentent un capital précieux dont la préservation va bientôt constituer un enjeu essentiel pour les hommes appelés à prendre en main le destin de l'aviation française au lendemain de l'armistice.
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