- Equipe Vincent I -


Dimanche 1er février 1942
     Temps exécrable, les bridgeurs s'attablent, les causeurs se groupent, quelqu'un chante d'une voix horriblement fausse et rauque (il était grippé), "les 3 bateliers". Ne cherchez pas le chanteur inconnu : il est d'un bled appelé Vizille.


Lundi 2 février 1942
     Le chef Mollier est allé reconnaître l'importance des avalanches. L'on coupe du bois, le temps est toujours aussi peu clément. Demain le chef Testot-Ferry et le chef Vernier viennent passer la soirée à St-Guérin.


Mercredi 3 février
     Les gars retournent bravement continuer leur tâche ; le déblayage avance petit à petit. Conférence très écoutée du chef Testot Ferry sur la météorologie.


Mercredi 4 février
     Pendant que le cours n°1 est à "la neige", le cours 2 fait un petit tour de fond, suivi de descente à ski dans le schuss impressionnant tracé sur la piste. Après midi, inversement des rôles.
Ce matin Barbier est parti en permission pour ... se marier. Que Dieu ait son âme, le "pôvre" !


Jeudi 5 février
     R.A.S. de particulier, cours de ski suivi des travaux de déblaiement.


Vendredi 6 et Samedi 7 février
     Les équipes de déblaiement se relayent activement, le temps est au beau fixe, le soleil est de la partie.


Dimanche 8 février
     Ce matin une dizaine de gars sous la conduite des chefs Guers et Seguin partent en ballade au col de la Loze, ils sont de retour vers midi. Il fait un temps magnifique. L'après-midi quelques gars repartent en ballade pendant que les "fanas" de la piste évoluent "gracieusement" autour du chalet.
"Monsieur Barneau" fait des descentes en chasse-neige avec toute la souplesse et la grâce qui le placent au rang des meilleurs professionnels. Il y en a qui rentrent tout saupoudrés de neige, ils disent ironiquement, pour se disculper de leurs chutes malencontreuses, "qu'il neige dehors". Le soleil n'a jamais été aussi éclatant.


Lundi 9 février
     Cours de ski sur la piste. Après-midi consacré au noble sport qu'est le manche de pelle.
Loth et Jeunet accompagnent le chef Guers dans une tournée des groupes du Beaufortain. Fouchère et Falcoz reviennent de N. D. de Bellecombe.
Recevons visite du moniteur "d'Art Drama" de Beaufort.


Mardi 10 février
     Décidément le beau temps est revenu, le soleil dès 9 heures se montre et brille de tout son éclat. Sur la piste damée à souhait, le ski fonctionne à "plein gaz", disons plutôt "à pleins bâtons".
Monsieur Barneau progresse et devient presque aussi casse-cou que le dénommé Péchoux ! Baldet, descendu au courrier, a "cassé du bois" ; heureusement pour lui et pour tous, il est sain et sauf.
Cet après-midi, départ pour la neige. La travail ne chôme pas. Jacques Blanc, "Jackie" pour ses intimes, est venu en visite à St Guérin.
Salluy, de retour de "perme" depuis hier soir, promène dans le chalet une figure plutôt abattue.


Mercredi 11 février
     Hier soir, nous avons reçu la visite mensuelle de notre aumônier qui nous a fait une conférence sur le "manque de discipline religieuse". Il part ce matin de bonne heure tandis que les gars fartant, grattant, vissant... préparent leurs skis pour aller sur la piste en compagnie du chef Seguin.
Serre, affecté à Beaufort quitte le chalet, non sans bruit. "Il se rapproche de sa femme... " murmurent quelques voix.
Vers midi le Dr Karcher (médecin du Centre) vient faire quelques piqûres : au bon gros Cirouge notamment qui, la mort dans l'âme, regarde manger les autres. Vers 5 heures de l'après midi, la neige se remet à tomber. Ensuite c'est Jeunet qui arrive, suivi du chef Guers et de Loth qui s'est malencontreusement cassé un doigt.
Ce soir, nous avons la visite du Chef du Groupement Savoie (chef Rougevin-Ville), accompagné de deux autres chefs. Après souper il nous fait une conférence très complète sur l'Aviation de Chasse (historique, missions, effectifs, armement et équipement, valeur physique et morale du personnel).


Jeudi 12 février
     A 8 h 30, tout le chalet se vide ; les uns vont à Beaufort chercher des vivres, les autres à Arêches chercher du pain. Les gars de retour d'Arêches terminent le déblayage de la route.
Ce matin le mulet est descendu à Beaufort conduit par le muletier officiel Perret natif d'Entremont (Savoie). Le mulet croyait qu'il était retraité ! Depuis le temps qu'il n'était pas sorti de son écurie.
Lundi, une équipe doit partir pour Granier afin d'y tracer la piste qu'empruneront les coureurs du Raid Briançon-Chamonix.


Vendredi 13 février
     Hier soir, les muletiers sont arrivés vers les 8 heures. Tout de même il nous reste à tracer la route des "Gérards" à Arêches.
Aujourd'hui, le temps s'est obscurci, les gars sont à Arêches au ravitaillement. La haute stature de Valla se profile dans la cuisine et le réfectoire, le voici de retour de permission.
Tiens, c'est au tour de Vallet de "casser du bois". Il a laissé une spatule dans la neige après une chute malencontreuse.


Samedi 14 février
     R A S de particulier. Les douches fonctionnent grâce à la technique éclairée de Cirouge. Le chalet souffre d'une petite épidémie de grippe, mais la pensée de la ballade de lundi guérit à moitié les gars.


Dimanche 15 février
     Journée de préparatifs. Chacun colle ses peaux et prépare son sac. Resteront au Chalet : Bertrand, Lapierre, Vallet, Blanc et Baldet.


Lundi 16 février
     Départ à 3 h, les "durs" partent à 10 h sous la conduite du moniteur Mollier.
Hier soir, Barbier est rentré de sa "perme super spéciale". Il porte "bague d'or à son doigt" comme dit la chanson. Je passe la plume à Falque qui va nous raconter les péripéties du voyage...
     Ce n'est pas Falque qui prend la plume, aussi excusez ce modeste verbiage ! Et pan !
Donc, départ pour Granier : chef Guers, chef Mollier, Volontaires : Barneau, Valla, Dérobert, Avice, Falque, Reboul, Lambert, Jeunet, Falcoz, Lamy, Cirouge, Borel, Salley et Fouchère. Beau temps, nous faisons un détour par le col des Genièvres, au pied du Crêt du Rey. Mauvaise neige, nous arrivons à 4 heures au Granier.
Installation immédiate en dessous de la cure, bon accueil de M. le Curé toujours aussi souriant, nous l'avions vu déjà vu en automne lors de notre première visite. Voici une bonne journée bien remplie ; elle l'est encore mieux quand M. le Curé vient, après le dîner, nous amener une excellente bouteille de marc.
Quelques chants pour le remercier et nous nous endormons béatement !


Mardi 17 février
     Mardi-Gras, une belle journée s'annonce, le soir nous allons donner un dégagement devant les braves gens de Granier. De nombreux coups de téléphone contradictoires nous laissent un peu dans l'attente de la décision finale ! Partons-nous ce soir, ou demain très tôt, pour aller faire la trace au col du Bresson ?
Finalement nous donnerons le dégagement le soir même. De 2 h à 7 h, préparatifs et répétition générale qui d'ailleurs ne marche pas très bien. Les esprits sont surexcités (au début du dîner un plat contenant 36 œufs est renversé à terre, gros désastre, l'omelette est complètement fichue). La soirée s'annonce mal.
Nous commençons à 8 h ¼, salle pleine. Programme : Hymme de J. et M., présentation par le chef Guers et début de la veillée. Grosse ambience : histoires drôles, chants très animés, Falcoz est en pleine forme. Les gens de Granier ont l'air ravi. Ils sont un peu long à démarrer surtout pour le "Jules est hercule".
Une petite interruption par des scouts de la Côte d'Or, interruption heureuse pour nous ! Puis une petite pièce comique : la "Machine à rajeunir". Falcoz est en grande verve pour l'imitation du professeur d'italien. Nous terminons par un "bonsoir" un peu comique.
A la sortie de la séance, coup de téléphone : nous devons faire la trace au col du Brenon pour les skieurs du rallye des Alpes.


Mercredi 18 février
     Le chef Mollier, Jeunet, Dérobert, Falcoz et Fouchères partent à 6 h pour le col du Brenon. Ballade épatante, descente un peu pénible sur la vallée de Trécol.
Déjeuner à Roselend.
Retour au chalet après une petite halte aux Gérards pour déguster des "bugnes", bien méritées d'ailleurs. Huit bleus très gonflés arrivent à 13h 30.


Jeudi 19 février - R.A.S. Repos général
     Vendredi 20 février Le matin J. Blanc et quelques Volontaires montent au col de la Louze.


Samedi 21 février
     Départ de Jacques Blanc - Fouchère - Dérobert - Chatillon - Eymieux - Larrouzé - Lambert - Falque - pour Megève. Le volontaire Falcoz part en permission.
Le chef de Roussy de Sales nous rend visite. Durand nous fait des matefains ; après litige, le chef Sequin et Avice partiront Dimanche matin


Dimanche 22 Février 1942 .
     Départ des chefs Seguin et d'Avice pour Megève. Le chef de patrouille Baldet n'aime pas la Polenta !!!!!


Lundi 23 Février 1942
     Notre vénéré muletier Perret part en permission. Redoux et avalanches obstruent partiellement le chemin d'Arêches.
Arrivée du Frontignais. Retour de l'équipe du Bettex.


Mardi 24 Février 1942
     Michey, Reporter Paris-Soir, empoigne son stylo pour rédiger le journal de bord. Le traîneau descend à Beaufort et remonte les valises des "bleus".
Passage du Nice-Chamonix


Mercredi 25 Février 1942
     Le toubib monte piquer les bleus (pas de malades). Cazet rentre de permission. Retour de Megève sans Avice et Ignieux.


Jeudi 26 Février
     Arrivée d'Avice légèrement "maquillé". Le chef Guers rentre de permission avec Falcoze


Vendredi 27 Février 1942
     Départ pour Roselend de Falcoze, Jeunet, Borel, Lamy, Falque, Chatillon. Départ pour les Curtillers de Marceau E., Péchoux, Escale. Départ de Pourret comme apprenti croque-mort.
Les gars des Curtillers arrivent au nombre de 9. Eymieux rentre très amoché


Samedi 28 Février 1942
     Le matin, montée au passage des Embouchures. Douches, bois, ski.
Arrivée du toubib pour piquer les gars des Curt. Dimanche 1er Mars 1942 Le matin : piqûres et ballade rapide au grand Mont. Baldet n'aime décidément pas la Polenta !!!!!! A.P. visite de Falcoze et de Jeunet


Samedi 2 Mars 1942
     7 h 15. Décrassage sous la conduite du chef Guers. Inventaire - Déblayage de la neige sur la route.
Départ de Falcoze, Jeunet, Fouchère et Dérobert. Faux départ du chef Seguin. Départ de notre intendant Vallat. Barnaud le remplace à la cantine et Baldet à l'intendance.
A 13 h 30, nous invitons 2 skieurs qui rentrent au Granier et passent devant le chalet. Weller se distingue dans une superbe course à pied dans la neige pour aller les chercher. A.P. neige.
Le chef Guers descend à Beaufort en skis, afin de s'entraîner pour la course de patrouille. Baldet prend ses fonctions d'intendant très au sérieux.
Le chef Seguin n'a décidément pas du tout l'idée d'aller à Roselend !!!!!!! Il s'est éterminé la soirée, sur un bridge dans lequel il perd tout ce qu'on veut.
Baldet fait des feintes en laissant la trappe de cave ouverte sans signal avertisseur.
Cirouge dans un geste élégant est sans pareil a mis la main à la pâte cet après-midi en transportant du bois (4 à 5 buches) du hangar jusqu'au chalet. Chose bizarre il n'est pas fatigué du tout. Après cette interview du Volontaire Weller, Cirouge a partagé avec le sieur Weller l'apéritif d'honneur offert par votre rédacteur Michey de Paris-Soir.
Le chef Guers rentre le soir de Beaufort avec une superbe paire de chaussures de ski.


Mardi 3 Mars 1942
     Matin, décrassage. Départ du chef Guers, chef Seguin et Avice pour Roselend. Déblayage de neige sur la route.
Midi superbe ragout !!! A.P. Bois, Neige. A 16 heures notre camarade Loth est de passage ; il passera la nuit avec nous.
Les gars des Curtillers se mettent enfin au boulot. Ribière reçoit toujours des colis et les vaguemestres commencent à râler.
18 h. Les muletiers remontent avec deux précieuses caisses remplies de bouch... Il leur faut une garde d'honneur pour en sauvegarder l'intégrité jusqu'à ce quelles soient réceptionnées à la cantine.
A 18 h 30 Lavaivre est de retour parmi nous jusqu'à demain.
A 20 h 30 le volontaire Furbot, qui avait eu un peu de retard pour servir le jus le matin, s'est fait passer le cul au cirage dans notre réfectoire au milieu d'une foule tumultueuse. Votre reporter a pris une photo qui j'espère illustrera le journal de bord. A noter la superbe tenue du susnommé plus haut (le volontaire, pas le c...) qui offrit une tournée à ses bourreaux bannissant ainsi toute idée de rancune et exaltant ainsi l'esprit de "Jeunesse et Montagne".


Mercredi 4 Mars 1942
     Une grande surprise au réveil, le décrassage est absent. Un certain volontaire Avice, alias Aviscouille, alias le Balafré est tout heureux de pouvoir rester dans son paddock.
Après les couleurs, le chef Guers et quelques volontaires grimpent à la pointe du Riondet. Pendant ce temps les bleus en profitent pour déblayer la neige et scier du bois.
L'Après midi, les bleus font de l'école de ski sous la direction des moniteurs Lavaivre et Authrien Pas mal de bûches mais pas de casse. Le temps se couvre et il y a quelques chutes de neige.
Le soir vers 22 h 30, les 2 muletiers Cazet et Maresca rentrent, ramenant sur le traineau que 10 boules de pain et notre cher intendant Vallat à qui le ciel de beaufort n'a pas beaucoup souri.
Presque tout les volontaires sont venus saluer notre grand intendant, mais Avice, alias Aviscouille, alias le Balafré n'a pas daigné se déloger de la chambre des chefs de patrouille dans laquelle il est toujours fourré.


Jeudi 5 Mars
     Matin, décrassage habituel. Comme par hasard Cirouge est absent. Pour une fois on peut lui pardonner, il part en perme avec notre ami Durand.
Le travail commence à 9 heures : déblayage de neige et sciage du bois ; il dure jusqu'à 11 h 45. Comme d'habitude Avice, alias Aviscouille, alias le Balafré, est invisible. Il est sûrement planqué dans la chambre des chefs de patrouille (y a-t-il trouvé une réserve de beurre ou de fromage? La question est à approfondir).
Le déjeuner de midi commence à 11 h 45. Reboul, le chef cuistot du jour, réussit à nous faire des navets épatants. Les vaguemestres rentrent : comme par hasard, il y a deux colis pour Ribière.
Sieste Jusqu'à 14 heures. Avice alias Aviscouille alias le Balafré est toujours dans la chambre des chefs de patrouille : il y restera jusqu'au soir car il est encore invisible pour le travail l'après midi.
Fin du travail à 16 heures. Nous trouvons enfin une partie du travail d'Avice, alias Aviscouille, alias le balafré. Il passe son temps à rédiger une feuille de chou où il attaque quelques tire-au-cul oubliant que "charité bien ordonnée commence par soi-même".
Le chef Guers part pour Roselend. Perret notre sympathique muletier rentre de permission ainsi que Vallet. Votre reporter a eu l'incomparable plaisir de se faire rouler sous une couverture et se faire balancer dans la neige par la bande Sally et Cie.


Mercredi 6 Mars 1942
     Le matin au réveil, temps épouvantable (pluie), ce qui permet à tous les volontaires et en particulier Avice, alias Aviscouille, alias le Balafré de ne pas faire de décrassage.
Déblayage de neige et sciage de bois. Cinq volontaires descendent à Arêches pour remonter 30 kg de pain ; ils ne rentrent qu'à 1h ½ chargés comme des mulets et ne rapportant que 10 kg de pain. Ils nous annoncent aussi des avalanches.
Après-midi. Descente générale de tous les hommes valides pour dégager le chemin. Comme par hasard Salle a mal au crâne et Reboul est de cuisine.
Le soir rentrée du chef Guers et du chef Seguin. Nous apprenons enfin ce que notre ami Avice, alias Aviscouille, alias le Balafré foutait toujours dans la chambre des chefs de patrouille : il y préparait son installation définitive. En effet le chef Guers nous apprend officieusement que notre confrère va être nommé chef de patrouille, quand je dis confrère je suis généreux car je ne le vois pas bien dans la salle de rédaction d'un journal), Falque sans doute sera nommé chef de patrouille.
Les gars des Curtillers devant nous quitter demain, le chef Guers demande à notre intendant Vallat une vente générale de bouchée (les applaudissements crépitent et l'argent rentre dans la caisse de la cantine.

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Ainsi se termine le cahier de l'équipe I. Suit le cahier de l'équipe II, avec force dessins...

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