- Equipe Vincent II - I l est coutume, depuis bien longtemps, d'aller passer une fraction de sa vie dans une institution qui a nom d'armée. Cette dite coutume s'est tellement bien ancrée dans l'esprit de certains peuples, qu'elle est devenue un besoin, voir une obligation. Il faut dire que ce besoin est bien naturel : l'esprit chicanier des nations en est la cause directe ; et si une nation veut vivre en Paix, si elle désire tenir une place respectable dans le monde, il est nécessaire qu'elle soit forte. Rapidement, notre France s'est faite à cette idée. Elle a donc demandé à ses enfants de veiller à sa sécurité. Et c'est en l'année 1942 qu'un de ses jeunes eut l'honneur de remplir ce devoir. Depuis quelques temps, notre France traverse des heures sombres. Précipitée dans une terrible aventure, elle essaie d'en sauver sa vie et son Honneur. Un homme s'est levé. Il est chargé d'ans et de gloire. Qu'importe, une fois de plus il sauvera son cher pays. Devant le vainqueur, il conserve une noble attitude qui lui vaut le respect de tous. A l'intérieur il porte ses efforts à la réorganisation du pays. D'abord la Jeunesse : elle est la base de cette Révolution intérieure, Nationale, qui s'avère nécessaire. Entre autres, l'armée a besoin de changer. Ses effectifs sont limités. On crée les Chantiers de la Jeunesse. Durant huit mois les jeunes viendront travailler au relèvement du pays. On leur inculquera des principes nouveaux. Au milieu de tout cela, un mouvement prend naissance, "Jeunesse et Montagne", cadet de l'Aviation. Et c'est vers ce mouvement que le choix d'un grand nombre de Jeunes se fixe. Eh oui ! nous avons la possibilité de choisir. Contrairement aux vielles habitudes, les chefs chargés de cette vaste réorganisation vont prendre des éléments choisis. "Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place" dit un de nos vieux proverbes. Il a raison : nos chefs l'ont compris. Ingénieurs, étudiants, mécanos sont choisis. A côté de cela des jeunes habitués à la montagne, des sportifs, des gens de la terre cimenteront cette œuvre. Tous réunis, ils apprendront à se connaître, s'apprécieront, s'aimeront. Le pays doit être uni. Main dans la main, face au malheur, nous devons triompher. |
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Et voilà pourquoi, un beau jour, dans les rues de Challes, une bande de jeunes gens, "gonflés comme des bleus", se dirigent vers le château de Triviers. Nous les retrouvons dans un groupe de jeunes volontaires au garde à vous devant un Chef qui, en termes amicaux, leur souhaite la bienvenue. Puis devant la porte du magasin d'habillement, les voici affublés d'un pantalon kaki, d'une chemise identique, de brodequins neufs, trop grands. Il y en a qui commencent à se dégonfler. Ils se regardent d'un air piteux : où est-il le bel uniforme tant désiré ? Nous sommes conduits dans notre dortoir, un grenier infect, où l'on accède par une échelle boiteuse. Nous nous y installons avec des airs de désespérés. Quelques-uns, pour se donner confiance, clament bien haut, que cela ne durera que quelques jours. "A la soupe". Munis d'une cuillère et d'une fourchette, nous nous dirigeons courageusement vers un endroit qui se nomme réfectoire et qui est bien plus une écurie qu'une cuisine. Un cuisinier affreux, rasé comme un bagnard, nous accueille avec un affreux rictus dans lequel je veux bien reconnaître un sourire. Mais il a beau faire, ses "sourires" ne peuvent nous faire oublier ces tables crasseuses, couvertes de boue. Notre hôte n'est guère patient, une grêle de jurons s'abat sur nous. Mais nous sommes assez courageux pour essuyer les imprécations de ce monstre, plutôt que de nous vautrer, tels des cochons. Notre zempoisonneur dépose un plat au milieu de la table. Nous nous pressons autour pour reconnaître des feuilles de salade, sous un tas de cailloux et de terre. Un semblant de purée camoufle le tout. Nous nous consolons avec les "pluches". Le soir venu nous regagnons notre grenier : les anciens nous mettent à la page. Le lendemain, l'événement marquant fut la visite médicale. Nous l'affrontons avec inquiétude, mais tout se passe pour le mieux. Ensuite la radio. Là encore, "Rien à signaler". Puis nous apprenons notre affectation : nous l'attendions impatiemment. Les uns sont contents, les autres ont des airs de chiens battus. Mais le ciel envoie sa céleste consolation, nous quittons Challes, son cuisinier et ses "pluches". Nous prenons le train à 4 km de là, vers 6 h 15 le soir. Beaufort, petit village sis à quelques 16 km d'Albertville. Maintenant nous voici dans une grande pièce à l'aspect engageant et... chauffée ! Nous couchons sur le ciment, avec deux couvertures. "A la soupe", ordre béni qui nous conduit au réfectoire situé au milieu du village. Toujours pas de gamelles : ça ne fait rien, nous mangeons de bon cœur. Ensuite, ô surprise, à 10 h 30... "les pluches". Après une bonne nuit, dans la matinée de Mardi, le 3 novembre, nous faisons la queue devant la porte du Chef de Centre. Tour à tour le chef Chomienne nous reçoit. Bizarre, ils en sortent tous la mine réjouie. Ensuite le chef Chomienne nous fait un petit discours, fort apprécié. Le soir même, vers 4 h 30, départ pour St Guérin. Ici, je laisse la parole au camarade Muraz. |