Petite histoire de la C.R.6
12 Mai 1944.
Sur l'ordre des Allemands, l'Ecole des Cadres de Montroc-Chamonix quitte la Savoie, et s'installe le 14 Mai à Murol (Puy-de-Dôme), site qui paraissait le plus propice à un passage à une action de Résistance.
1er Juin.
L'Ecole des Cadres est dissoute et son personnel mis à disposition du Groupement Chantiers de Theix, avec ordre de les rejoindre dans les 24 h. Le jour même, l'ordre de Londres tant attendu : " Coup d'envoi à quinze heures... " est diffusé à plusieurs reprises.
Depuis Murol, via Theix, sous la conduite de Robert Thollon, les hommes de l'ex-Ecole de Cadres rejoignent Langairoux et les hommes d'un "Maquis O.R.A du Mont Dore", dirigés par un certain Commandant "Carlhian".
Le 5 Juin au soir, la B.B.C. répète plusieurs fois de façon insistante le message " Les sanglots des violons de l'automne... " et, le lendemain, 6 Juin 1944, se répand la nouvelle du débarquement en Normandie.
Robert Thollon adopte alors le pseudonyme "Capitaine Renaud", la "Compagnie Renaud" est alors restructurée : quatre Sections aux ordres des Lieutenants DOLÉAC et LISBONIS et des Sous-Lieutenants MICHEL et JARRY. Les Chefs de Groupe et d'Equipes dans la hiérarchie J.M. sont soit affectés aux Sections, soit mis en réserve d'Etat-Major en vue des tâches à venir.
16 Juin. la Compagnie Renaud qui dépendait jusqu'alors de la Compagnie Bonneval pour son ravitaillement devint autonome.
La Compagnie allait encore s'étoffer, sous peu, avec de jeunes recrues du pays, et aussi avec des éléments J.M. dispersés dans le Sud-Ouest. Il fut organisé une formation de Chefs de groupes de combat.
Des missions furent dépéchées pour récupérer matériel de transport et habillement, avec la volonté de forger, dans un court délai, une Unité soudée par l'esprit d'équipe J.M.. L'école de combat commença d'abord par l'école de tir, avec nos pauvres vingt mitraillettes. " On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a ... ! " était la phrase favorite de Robert Thollon !
13 Juillet.
A 19 h 30, un message de la BBC, " Le cannibale a bouffé les esquimos ! ", annonçait pour le lendemain l' "Opération Cadillac" , gigantesque parachutage, par 70 B17 américains de la 8e Air Force escortés d'une centaine de Chasseurs, de 90 tonnes d'armement.
Les 23 et 25 juillet, les 323 Jeunes des classes 39 et 40 de Pléaux et de Mauriac nous étaient affectés. Cette incorporation massive portait les effectifs à environ 400 hommes et devait permettre à la "Compagnie Renaud", devenue Groupement, autonome depuis le 14 juillet, de prendre en garde la "zone stratégique n° 22", allant d'Aurillac au Lioran, au col de Néronne et à Mauriac.
Le Groupement devait vite s'étoffer de recrues, d'éléments de J.M. et de la "Jeunesse Aérienne" qui allaient le rejoindre fin-juillet et en août, et d'autres isolés mis à sa disposition ou ayant rejoint individuellement.
31 Juillet.
Une nouvelle Unité de l'O.R.A. lui était affectée, celle du col de Néronne, organisée en commando, qui réunissait une soixantaine d'étudiants et de réfractaires au S.T.O. Le Lieutenant (et J.M.) ANTOINE-MICHARD allait en prendre le commandement, cette unité devenant la "Compagnie Antoine".
Et surtout, le commandement décidait d'affecter le "Groupement Renaud" à la zone 22, une des plus sensibles puisqu'elle comprenait, outre les crêtes de Néronne, du Puy Mary et du Lioran, la route d'Aurillac à Murat, artère vitale pour la garnison allemande d'Aurillac, et la route d'Aurillac à Mauriac.
Le "Groupement Eynard" nous flanquerait au Nord en prenant en charge la zone 21 (celle de Riom-ès-Montagne) et, à l'Ouest, le "Groupement Ambort" qui deviendrait le "Groupement Didier" et nous succéderait dans la zone 10, celle de Pléaux et du Barrage.
Le 6 Août,
de Mauriac, on apprit qu'un groupe motorisé (une demi-douzaine de camions et deux voitures légères) de la garnison allemande d'Aurillac était rassemblé et devait faire mouvement le lendemain vers Murat et que le "Groupement Renaud" était chargé de l'intercepter.
Immédiatement, l'E.M. se réunit autour de THOLLON et les Commandants de Compagnie furent convoqués. Les décisions suivantes furent prises : une embuscade serait tendue immédiatement au dessus du Pas de Compaing, à partir des positions tenues par la Compagnie ANTOINE-MICHARD.
L'engagement était conçu initialement comme un simple "accrochage", mais des renforts allemands arrivés par voie ferrée (celle-ci ayant été neutralisée trop tard) débordèrent le dispositif mis en place, obligeant au repli, cependant que, simultanément la colonne allemande renonçait à forcer le passage et se repliait sur Aurillac...
"Nos pertes s'élèvent à trois morts et un blessé. Les pertes de l'ennemi semblent être d'une vingtaine de morts et des blessés en nombre supérieur. Trois camions et deux voitures légères ont été détruits". (Compte-rendu intégral du Lieutenant Antoine-Michard accessible depuis le lien sur les combats du Pas de Compaing).
Le Jeudi 10 Août à 12 h,
la garnison allemande d'Aurillac évacuait la ville (les derniers éléments ne la quittant qu'à la nuit) et prenait la route du Lioran qu'elle atteignit le 11. Le Commandant "Carlhian" avait confié aux deux Groupements "Renaud" et "Eynard" le soin d'y tendre une embuscade pour tenter de bloquer le passage obligé de la colonne par le tunnel routier.
Au terme d'un sévère accrochage de trois jours, la colonne allemande, puissamment armée et secourue par l'aviation, au prix de lourdes pertes (estimées à 40 morts et soixante blessés environ évacués par les voitures sanitaires de la colonne en retraite, sans compter les blessés légers), put forcer le passage. "Nos pertes étaient sérieuses aussi : la Compagnie "Bertrand", mise à notre disposition par le Groupement "Eynard", avait une dizaine de tués et son Chef était fait prisonnier." (Robert Thollon)
Dès le 15 au matin,
Robert THOLLON décida d'une réorganisation du Groupement. Une 6e Compagnie serait créée, par la fusion de la Compagnie Hors-Rang de GUILY et de la Section de Commandement, et destinée à rester "en réserve de commandement" sous les ordres du Sous-Lieutenant BONNAMOUR.
La leçon du Lioran l'amenait, d'autre part, à créer dans chaque Compagnie une "Section de Combat" spécialement équipée et entraînée pour des missions d'avant-garde ou de commando. Il s'agissait enfin d'intégrer les nouveaux arrivés dans les Unités.
Le 21 Août,
ordre fut donné aux cinq Groupements auvergnats restés en Cantal dont "Renaud", d'investir la garnison allemande de Saint-Flour. Des abattis furent réalisés tout autour.
Le Groupement "Renaud", pour sa part, se vit attribuer le secteur Nord-Ouest, un vaste triangle délimité par Saint-Flour, Murat et Neussargues.
Le 24 Août à 6 h du matin,
toute la garnison allemande quittait St Flour. Robert THOLLON devait appuyer le Groupement "Allard" (qui supporta l'essentiel du choc) au col de la Fageole et, simultanément, il devait se mettre en mesure de contre-attaquer "de flanc" la colonne, pour cela, des compagnies occupèrent les crêtes dominant la R.N. 9. De violents engagement au mortier, FM et à la mitrailleuse se produisirent. La progression de la colonne allemande était bloquée, lorsque, apprenant que la Brigade Jesser accourait à la rescousse depuis Clermont-Ferrand, l'ordre de repli fut donné.
A partir du 28 Août,
quelques Groupements devinrent, sur décision du Colonel "Mortier", "Colonnes Rapides" motorisées, qui, sitôt leur secteur libéré, pourraient être envoyées en renfort partout où il serait possible d'accrocher les unités allemandes en retraite générale.
C'est ainsi que le "Groupement Renaud" prit le nom de "Colonne Rapide n°6" et se tint prête à faire route sur Clermont-Ferrand dont l'investissement était en cours.
JESSER ayant précipité l'évacuation de Clermont-Ferrand, le 28 Août la C.R.6 s'installa à...Theix, en attendant de faire route sur Lyon.
Le 2 Septembre,
la C.R.6 se rendit vers son nouvel objectif : la "route stratégique" ceinturant Lyon et marquant son secteur à l'Ouest, entre Vaise et Chaponost, route fréquentée encore la veille par de fortes patrouilles blindées allemandes et défendue par plusieurs ouvrages, notamment à Chaponost.
Il lui était était demandé d'assurer immédiatement la relève d'un des bataillons qui tenait Craponne et Brindas, d'où l'assaut partirait dès que l'ordre général en serait donné.
Seul incident, deux camions allemands, en route vers le fort de Chaponost, qui s'étaient engagés dans ce secteur furent encerclés, une fusillade se déclencha...dans le vide : les occupants des véhicules s'étaient enfuis ! Les deux camions étaient chargés d'équipements et de quelques armes qui furent de bonne prise...
Dans la foulée, une pointe fut poussée vers le fort de Chaponost : les Allemands l'avaient évacué ! Quant aux acqueducs romains, dits "arches de Chaponost" signalés comme "imprenables", là aussi, les Allemands avaient évacué la position. La C.R.6était donc en avance sur le tableau de marche prévu !
A la nuit tombante, ce fut l'arrivée à Brindas et à Craponne de blindés, d'auto-mitrailleuses et de "jeeps" marqués de la "Croix de Lorraine" - avant-gardes de la 1ére Armée Française - qui avaient contourné Lyon par Saint-Etienne, avec pour mission d'attendre l'arrivée du gros de la Division, prévue pour le lendemain.
A la nuit tombée, la nouvelle arriva : l'assaut général sur Lyon était fixé au lendemain, 5 heures.
Dès 2 heures, la C.R.6 quitta ses positions, en direction de Tassin-la-Demi-Lune, de Vaise et de la Saône, des éléments envoyés en reconnaissance rendant compte que la ville semblait morte, abandonnée, Robert THOLLON décida sur le champ de brusquer le mouvement et d'occuper la ville en force, si nécessaire.
A 5 h, la C.R.6 arrive sur la grande place de Tassin-la-Demi-Lune. Une surprise l'y attend : la présence de nouvelles Jeeps et automitrailleuses de la 1ère Armée, arrivées la veille au soir tard et qui ont détruit à coups de canons des véhicules allemands. Le Chef du Détachement ignore la situation à Lyon ; à la C.R.6 d'y aller voir, il n'interviendra qu'en cas de besoin...
Robert THOLLON décide alors de poursuivre immédiatement sa marche vers les objectifs assignés : Vaise et les quais de la Saône.
A 7 h, la gare de Vaise et l'usine d'équipements radio-électriques sont occupés, sans avoir rencontré de résistance.
La place de la Pyramide, plus en avant, est atteinte à 7 h 30 ; à 8 h, les quais de la Saône offrent le triste spectacle de ponts détruits par les Allemands partis dans la nuit, sauf un, le "Pont de l'Homme de la Roche" et, un peu plus loin, une passerelle...
Aussitôt, les hommes s'étirèrent tout au long du quai Pierre Scize, en occupant les emplacements jugés "stratégiques" face à la rive gauche, et prenaient possession de ce "Pont de l'Homme de la Roche".
A 8 h 45, Robert Thollon qui n'avait pas voulu en rester là, accompagné de quelques-uns de ses lyonnais, la place des Terreaux atteinte, se rabattit sur l'Hôtel de Ville. Ils gravirents alors - les premiers "venus de l'extérieur" - les marches de l'édifice dont les portes étaient ouvertes...
Le 4 Septembre,
la C.R.6 rejoignait Clermont-Ferrand et fut associée, comme 9 autres Groupements F.F.I à une colonne de 9000 hommes, la colonne "Schneider" qui allait être engagée en appui de la 1ère Armée.
Au soir du 6 septembre, la C.R.6 pour sa part, reçut une nouvelle mission (d'importance et... de confiance) : "nettoyer" toute la rive droite de la Loire (Bourbon-Lancy, Cronat, Decize... jusqu'à Luzy), de manière à assurer les arrières pour en interdire ensuite, "sans esprit de recul", tout franchissement entre Nevers et Decize à d'autres colonnes allemandes arrivant de l'Ouest.
La tâche s'annonçant lourde, le Colonel "Mortier" mit à sa disposition les 100 hommes, d'une Compagnie de Marche de Fusiliers-Marins de la garnison, puis plus tard une Compagnie de la "Garde du Maréchal" ralliée à l'O.R.A. et d'un Escadron de Gendarmes Mobiles portant ainsi ses effectifs jusqu'à 1.200 hommes.
Au matin du 9 Septembre,
après divers accrochages meurtriers, le Colonel Schneider sévèrement accroché devant Autun, il devint clair que le point de fixation devenait le pont de Decize, les autres ayant été, entre temps, minés puis détruits.
En face, le "Sous-Groupement BURGERT", fort de 5.500 hommes, tenta de forcer le passage et se heurta, avant d'arriver devant la C.R.6, aux hommes de la Division d'Auvergne - tandis que le reste de la colonne ELSTER, 15.000 hommes environ, s'échelonnaient à l'ouest de l'Allier. Après de durs combats, il fallut faire sauter aussi le pont de Decize.
Le 11 Septembre,
le Général Elster capitulait devant le Colonel Schneider et des unités de la 1ere Armée.
Par la suite, la C.R.6. allait s'étoffer pour devenir la "Demi-Brigade THOLLON", forte de 1.400 hommes, et qui s'articulerait en trois bataillons ; elle comprendrait en outre une Compagnie Régimentaire d'Engins qui réunissait l'Escadron de la Garde et une Unité de "Pompiers de l'Air" qui l'avait rejointe...
LA demi-Brigadre gagna ensuite la Franche-Comté pour n'avoir qu'une brève existence et n'être réunie en corps constitué qu'à l'occasion de deux Prises d'Arme, et voir ses effectifs fondre jusqu'à 250 hommes.
D'après Henri Laurent
- Souvenirs d'Auvergne -
Texte intégral (Souvenirs d'Auvergne.zip) au Format Word97, téléchargeable en cliquant ici.
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