- Equipe Vincent I -


Lundi 1er décembre

     Départ à 7 h. Montée au Cornet d'Arêches (2152 m). Descente par un chemin et une vallée semblable à ceux que nous avons empruntés pour monter. Nous débouchons vers 10 h ½ - 11 heures sur la Tarentaise. Vallées plus larges que le Beaufortain, encadrées de montagnes plus élevées, sur les pentes desquelles s'étagent une nuée de petits hameaux. Granier, but de notre "exploration", est le premier que nous rencontrons sur notre droite.
Le chef Seguin accompagné de Baldet rend visite à l'adjoint qui lui donne la salle des fêtes de M. le Curé (pas de chambres pour les officiers ? Non). On prépare le déjeuner entre des cailloux, derrière le monuments aux morts.
L'après-midi on prépare l'exploration. A midi nous avions eu du "picrate", une bouteille de blanc et une bouteille de rouge (fameux le blanc ; le rouge du pays est une "piquette" pas bonne du tout) Le soir "Château La Pompe".
Après le souper, composé uniquement de pommes de terre, petite veillée avec M. le Curé et un gars du pays.


Mardi 2 décembre

     Le beau temps continue : soleil d'Austerlitz ? Non, nous avons un soleil magnifique depuis longtemps et il durera longtemps encore. Toute la journée est consacrée aux renseignements.
Le soir, petite veillée comme hier avec quelques gars du pays. Le petit marc de M. le Curé réchauffe le cœur et ouvre les gueules. Après, nous nous réunissons tous, avec M. le Curé, chez le Maire. Interrogatoire en règle au cours duquel chacun complète son "exploration". Puis le vin du pays coule à flots et nos chants égayent les bonnes gens du pays. Lemoine et Serre mènent la danse devant les yeux féminins, Serre ne se sent plus et se trémousse jusqu'à complet épuisement. Puis nous regagnons notre paille ; à minuit ½ extinction des feux (électriques !).


Mercredi 3 décembre

     Dès 4 h ½, Vuillaume casse du bois à grand fracas pour allumer le poêle.
A 6 h 20 la colonne s'ébranle. Au lever du soleil, nous avons dépassé les 5 chalets du Praz (2139 m). Puis nous gagnons à flanc de coteau le pied du Crêt du Rey. Nous faisons lever son magnifique lièvre blanc.
Vers 11 h ½ nous cassons la croûte au pied du Crêt du Rey, et nous commençons l'escalade : il y a 6 gendarmes à passer... Brun et Gondy sont pris de vertige, Châtillon et Fouchères les accompagnent. Nous n'étions que 14 sur toute l'équipe, Baldet a du revenir directement par le Cornet à cause des ampoules que lui ont donné ses souliers. Restent seulement 9 types, Lambert mène la file.
A 1 h ½ nous arrivons au sommet. Le paysage dépasse toutes nos espérances ; le temps est assez clair sur les sommets, mais sur toutes les plaines flottent des mers de nuages. Nous restons longtemps en contemplation, les pieds dans la neige, mais le soleil est chaud. Le chef Seguin a quelques inquiétudes sur la descente.
Après avoir tout examiné, nous reprenons la crête jusqu'au 1er gendarme. Le couloir de neige est tentateur. En 5 minutes, par une belle descente "en ramasse" (qu'en termes choisis ces choses-là sont dites), nous nous trouvons en bas. Il s'agit alors de gagner directement le Cornet pour rejoindre le chalet et nous restaurer. La neige est croûtée, le pied enfonce et l'on s'écorche les tibias.
A 1 h ½, nous nous retrouvons autour d'un bon plat de pâtes. Celles d'hier, comme pour la purée d'avant-hier, sont loin dans les talons.


Jeudi 4 décembre

     Rassemblement du Centre au Curtillets à 10 h 30.
Départ à 8 h 30 (en principe). Descente au pas rapide. Court arrêt à Beaufort.
A 10 h ¼, nous sommes au rassemblement. Après les couleurs, le chef TestotFerry nous fait connaître la figure du Capitaine Patureau-Mirand, patron du Centre ; il nous lit ses citations. Ensuite, il nous a fait un petit laïus sur la franchise et l'honnêteté (à la suite des vols commis récemment au mouvement). Tout le monde casse la croûte sur l'herbe et l'on descend à Beaufort. Tout le monde va boire le blanc bourru de l'hôtel Avocat. Puis par groupes, l'on va se faire visiter les mâchoires par le dentiste. Quelques plombages en deux temps trois mouvements.
Puis nous remontons a chalet où nous arrivons sur le coup de 6 heures .


Vendredi 5 décembre

     Le beau temps continue, on achève de monter les billes qui sont au bord du torrent ; le câble fonctionne aussi. Des bruits courent. Une patrouille ira à Roselend pour le bois ! Falcoz part en perm.


Samedi 6 décembre

     La première équipe est désignée pour Roselend. Ce matin, elle chôme et partira après la soupe. Le câble fonctionne encore avec les quelques disponibles de la 2ème équipe. Mais l'équipe partira en balade à N.D. de Bellecombe et Mégève. Samedi, elle ira relever peut-être la 1ère équipe à Roselend.


Dimanche 7 décembre

     Le temps est gris, la température qui avait baissé avant-hier soir s'est adoucie. Cette fois c'est la neige. En remontant d'Arêches, nous croisons le chef Seguin et le chef Guers qui vont au Planey.
Vers 2 h ½, les premiers flocons de neige commencent à tomber, la tourmente de neige ne cesse pas jusqu'au soir.
A 7 heures, il y en a déjà 30 centimètres. Les chefs ne remontent pas. Il neige toujours. Toutes les ½ heures on entend glisser la neige sur le toit.


Lundi 8 décembre

     La neige couvre le sol : il y en a déjà bien une soixantaine de centimètres. Tout est blanc : la terre, le ciel, les arbres se confondent.
L'après-midi, le travail se poursuit très tard pour achever de descendre le bois par le câble. Le cabestan d'en haut est démonté, descendu par le câble et le câble détaché à son tour.


Mardi 9 décembre

     Temps magnifique mais froid (-10 °C.) Mais le soleil réchauffe et l'on travaille allègrement. Le câble est roulé, renfermé. Le cabestan d'en bas est démonté. Les derniers troncs sont tirés de la neige, fendus et rangés sous le hangar. Toute la journée on coupe du bois.
Falcoz rentre de Grenoble nanti de ses souliers de ski.


Mercredi 10 décembre

    Beau temps, il s'est adouci. Tout le monde est occupé à couper ou à fendre du bois.
Falcoz part pour remplacer Avice à Roselend.
Martin-Lalande monte pour faire des piqûres. Remontent de l'infirmerie avec lui Carterand et Cirouge.


Jeudi 11 décembre

     Les chefs descendent à Beaufort. Tous les types disponibles présentent leur dos au coup d'estoc de Martin "Attention, je pique". Aucune réaction bien violente. Sur le soir Cirouge qui en est à son premier "centi-uu" a une bonne fièvre.


Vendredi 12 décembre

     La 1ère équipe doit rentrer de Roselend demain, il faut que la 2ème aille la relever. Qui va y aller ? ? chacun espère, chacun tremble. On poursuit le travail du bois.


Samedi 13 décembre

     Cette journée du 13 va apporter réponse aux questions posées anxieusement la veille. Le matin, le chef Guers réunit tout le monde pour régler une situation ambiguë et la tirer au clair. Après avoir "lavé le linge sale en famille", les 12 volontaires pour Roselend sont désignés. Ils partiront après midi, sauf 2 ou 3 que la piqûre retient jusqu'à demain matin.
La 1ère équipe est rentrée sale et radieuse : sale à la suite de son séjour, radieuse de son retour.
Après avoir quitté le chalet relativement tard et rencontré la 1ère équipe au dessus du Gécard (remontée plutôt pénible), nous coupons sur le Boudin et attaquons le col du Pré. Au sommet nous trouvons la trace de nos camarades et après un long regard sur le paysage nous descendons dans une mauvaise neige croûtée, descente qui nous amène sur la route nationale, non sans avoir pris plusieurs billets de parterre.
A un détour de la route les chantiers apparaissent, tristes, dans une terre de désolation. Comme nous passons devant le premier chalet, d'une fenêtre surgit tout à coup le chef, sinistre apparition comme nous allions nous en rendre compte. Après un discours (sur les charmes du stage) qui ne finissait pas, nous faisons une première halte chez Marie-Rose qui va devenir le refuge de tout Saint-Guérin ; puis c'est l'antre enfumé qui nous accueille, et le soir après un repas morne, rampants, toussotants, nous revenons reposer nos corps, destinés à subir la terrible épreuve du "cache-cache".


Dimanche 14 décembre

     Lever à 8 h. Jus (sans lait) à 8 h 30. Beau temps ensoleillé peu froid.
Après le déjeuner, nous flânons et nous étirons au soleil afin de prendre un ultime repos avant le début du travail.
A 11 h, Couttet et Terray vont faire du ski et nous les admirons dans leurs descentes impeccables.
Dîner à 12 h 30. Ensuite reprise de notre farniente.
A 15 h, Chatillon, Jeunet, Durand arrivent et se restaurent. Nous allons chez Marie-Rose et décidons, pour le soir, de faire un gueuleton (qui nous remet en place et nous dope pour le lendemain). Voici le menu : soupe de p. de t., potée avec saucisson, choucroute, fromage, flan, café au lait ; le tout pour 20 F.
Nous rentrons à 10 h, après une bonne soirée passée à écouter les informations du J. de Fr. et quelques airs. Couchés à 10 h 45, dans notre chambre enfumée et glaciale.
Cette première journée à Roselend ne s'est en somme pas mal passée (c'est heureux car demain ! ...) et le moral est au mieux. Une chose de bien dans cette "turne" nauséabonde : il y a de l'électricité et c'est un avantage assez appréciable sur St-Guérin (mais vive la Chapelle, malgré cela). Bonne nuit peu froide.


Lundi 15 décembre

     Lever à 7 h, la chambre est glacée et les pantalons sont rapidement enfilés !
A 7 h ½, petit déjeuner au réfectoire sombre et rébarbatif. Départ immédiat pour le chantier, salut aux couleurs, le travail est répartit aussitôt suivant les compétences, Couttet et Lamy creusent une tranchée, Lambert et Durand s'attaquent à la fabrication d'un chevalet, Pourret édifie des WC et les autres jouent à cache-cache avec les moniteurs et le chef.
A midi, départ du chantier pour le réfectoire, déjeuner frugal et triste, à 1 h ½ en route pour le chantier, le groupe se trouve sur la route ensoleillée, reprise du travail.
Dès le coucher du soleil, et avec lui le retour du froid, les places sont prises d'assaut autour des braseros avec quelques départs précipités à l'approche de certain pas bien connu.
5 h ½, salut aux couleurs et départ du chantier.
7 h dîner puis on réintègre la turne enfumée.


Mardi 16 décembre

     Le lever pratique a lieu à 7 h 15.
A 7 h 30, petit-déjeuner et départ pour le chantier. Tout le monde travaille à l'intérieur ou au bois. Grande station autour des braséros.
A 12 h nous allons déjeuner.
A 14 h nous reprenons le travail jusqu'à 17 h 30. Retour à la chambre enfumée et à 18 h 30 dîner.
A 20 h tout le monde au lit.


Mercredi 17 décembre

     Lever à 7 h 15, jus et départ pour le travail. Tout s'effectue comme la veille.
A 12 h, départ pour le déjeuner et retour au travail jusqu'à 17 h 30.
Dîner à 18 h 30. La veillée se prolonge jusqu'à 21 h dans la fumée.


Jeudi 18 décembre

     Lever 7 h 15 , après un jus infect, tout le monde par a travail. Aujourd'hui, notre petite équipe s'occupe à la confection de planches et de plafonds. Ce n'est plus au près des braseros que l'on se retrouve, mais près des cheminées où fument quelques bouts de bois. Couttet est descendu à Beaufort pour : examen d'aide moniteur skieur.
Ce midi, repas dans une cuisine gelée ; après-midi se passe sans amener de changement dans le travail de l'équipe. Aujourd'hui, on remarque un peu plus de gaieté sur le chantier. Que se passe-t-il? On nous dit que le chef Ménétrier est à Beaufort pour la journée !
Repas du soir à 7 h ½, coucher à 9 h.


Vendredi 19 décembre

     Comme tous les matins, lever à 7 h ¼. Au déjeuner, on nous annonce que ce soir on travaille jusqu'à 19 h.
Journée calme passée près du feu, le soir repas à 6 h ½ ; au lit à 9 h.


Samedi 20 décembre

     De nombreux décorateurs s'occupent du chalet. Hornilh et Falque font les peintres en bâtiments. Travail aussi pénible que salissant, les murs sont grossièrement crépis et il leur faut plusieurs couches pour acquérir une blancheur immaculée sur laquelle nos décorateurs distingués pourront étaler leurs œuvres.
Le cadre qui entourera le portrait du Maréchal fait l'objet d'une discussion assez violente. Le cadre rustique, farouchement défendu, a aussi et surtout de nombreux détracteurs, aussi l'exécution est reportée à plus tard.
L'équipe rentre de Roselend : éclats de voix joyeux, les mines allongées s'épanouissent comme au réveil d'un cauchemar.


Dimanche 21 décembre

     La journée est en partie consacrée aux ablutions pour l'équipe arrivée hier, sale et crasseuse. L'aumônier est arrivé hier soir tard, après une montée pénible.
Après sa 2ème messe à 9 h ½, déjeuner, puis conférence sur un sujet épineux, mais circonstancié : "Les femmes et l'amour". A ce moment, arrivent 6 polytechniciens venus passer ici une petite saison de ski.
Le soir dégagement à Beaufort. L'équipe d'art dramatique de St Guérin se révèle beaucoup plus fine que les autres. Le maître-chanteur, pardon, le maître du chant Hornilh dirige un chœur à 2 voix. Le soir, la chorale couche dans la salle des fêtes sur un plateau installé avec les bans ou sur une file de chaises.


Lundi 22 décembre

     Saint-Guérin se réunit au complet à 9 h ¼ à Arêches, muni de magnifiques guêtres blanches, pour saluer à son arrivée le général Bergeret. Arrivée prévue à 9 h ½ : tout le monde est en place ; mais il faut compter sur 2 heures de retard environ. Heureusement, le Général arrive en avance de 10 minutes : à midi 20. Le général passe devant les rangs interrogeant chacun sur sa situation civile et les raisons qui l'ont amenées au mouvement.
Il apprend ainsi que Lemoine a failli se préparer à l'agriculture en entrant dans une école préparatoire à H.E.C. Ensuite, on remonte "immé" à 2 heures pour dîner.


Mardi 23 décembre

     Tout le monde s'affaire à l'aménagement intérieur du chalet.
L'après-midi, un groupe descend à Arêches pour exercer les voix au chant grégorien. Tout le monde est dans la consternation : pas de dinde, pas de viande, pas de vin. Mais voilà que le chef Mollier, après une tournée monstre, ramène de la viande pour tout le Centre. Le chef Guers, délégué en Bresse, a trouvé des dindes, mais hélas, impossible d'avoir l'autorisation de les transporter. Oui, mais il a pu en apporter 2 pour St-Guérin.


Mercredi 24 décembre

     Le jour du grand soir arrive. Mais le pinard n'arrive pas : Lavaivre est en panne.
A 10 h 1/2, tout le monde part pour la messe de minuit à Arêches. On croise Lavaivre ; un seul cri jaillit de toutes les poitrines : "Et le pinard ?" Hurrah ! il est à Arêches.


Jeudi 25 décembre

     "Minuit chrétiens, c'est l'heure solennelle ...". C'est sur ce chant exécuté par Bertrand que débute cette journée de Noël. La chorale de St Guérin relève les chantres d'Arêches ; ses déficiences sont tout de même loin de celles de la mélopée des dits chantres.
Tel Garrigou, tous les volontaires de St-Guérin remontent en vitesse pour le festin qui les attend.


Vendredi 26 décembre

     Tout le monde a achevé la digestion, au travail. Les feux ont englouti tout le bois qui avait été coupé. Il faut en faire d'autre. Le matin, on descend à Beaufort toucher le matériel de ski.


Samedi 27 décembre

     La moitié de l'effectif environ se prépare à partit "en perm". Pendant une huitaine la vie se trouvera ralentie et amollie. Le tenant de ces lignes s'en va vers des rivages encore meilleurs que St Guérin.

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