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Samedi 7 Novembre La journée s'annonce monotone pour nous. Un pâle soleil se montre, c'est le jour tant redouté de la piqûre. Ce matin nous avons jeûné et nous devrons nous abstenir de toute nourriture de toute la journée. Ce ne sont que des gémissements. On se console avec la perspective d'un certain bouillon de légumes ce soir. Vers une heure, l'infirmier arrive. Quels soupirs de soulagements ! La comédie commence : un par un nous allons faire un petit "pipi" dans une éprouvette. Notre infirmier la chauffe : c'est bien, tout le monde est bon. Et voici le grand moment, torse nu nous attendons. Au premier. Nous attendons les réactions du cobaye. "On ne sent rien" nous dit-il. Mais ce n'est que vers le sixième que nous proclamons l'habileté du "piqueur". Tout le monde est passé, c'est vraiment comique de voir tous les "bleus" se trémousser, gesticuler pour ne pas laisser ankyloser l'épaule. Quelques uns se couchent, malades, tandis que d'autres lisent dans la salle d'équipe. Et voici notre bouillon. De vrais affamés qui vident la marmite en moins de deux. La journée est terminée, courage: demain c'est dimanche et nous aurons la permission de manger. Dimanche 8 Novembre Voici une nouvelle journée dominicale qui débute, journée qui, au chalet, est toute faite de repos. Les bleus ne sont pas remuants aujourd'hui. L'effet de la piqûre se fait sentir, la faim aussi car depuis Vendredi soir, ils n'ont ingurgité qu'un bol de bouillon. Pour débuter, le déjeuner ne s'effectue que vers les neuf heures, aussi quelle ruée vers le réfectoire où pourtant, ils ne toucheront qu'une demi-ration de pain ; le jus est avalé avec gloutonnerie et plus d'une ration de pain ne verra le repas du soir. Chacun vaque à ses occupations personnelles. Certains vont même jusqu'à se laver, habitude qui d'après les anciens, ne durera qu'un certain temps. D'autres descendent à Arêches pour assister au Saint Office. Effectivement ils remontent de ce minuscule village qui exerce sur nous une attraction pareille à celle d'une capitale. Ils remontent donc, chargés d'une dizaine de kg de jolies pommes, qui leur sont arrachées dès leur arrivée. Nous constatons que MM Santy, Paris et Belay sont incapables de mettre un pied hors du lit, seules victimes de la séance d'hier. L'après-midi fut consacrée à la lecture dans la salle d'équipe, à la douce tiédeur du feu. Quelques-uns descendent encore à Arêches, mais l'ennui qui se dégage de ce village par ce temps de neige les incite à remonter au chalet. Voici le dernier repas de la journée, très vite expédié car chacun a hâte de se coucher. Demain commence pour les "bleus" une véritable semaine de travail. Lundi 9 Novembre Une belle journée s'annonce pour nous. Un vigoureux "debout" nous éveille et cinq minutes plus tard, un bon "décrassage" pour nous dégourdir. Maintenant au travail. Il faut détourner un torrent. Courageusement nous attaquons la roche, transportons des pierres. On manque d'outils mais nous arrivons quand même à un résultat appréciable dans la matinée. Un autre groupe travaille à construire un barrage, d'autres sont occupés à une coupe de bois, à une installation téléphonique. Mais nous ne sommes pas habitués au froid qui nous handicape nettement. Mais la journée a été bonne. Nous rentrons au chalet, fatigués et à huit heures tout le monde est couché. Mardi 10 Novembre Encore une belle journée, une des dernières probablement. Vers 8 h 30 nous nous partageons en équipes : une transporte des troncs, une autre va à la coupe de bois, une troisième travaille au torrent, les éclopés restent au chalet pour l'entretien général. A midi, il y en a qui manquent à l'appel. L'après-midi, grande animation au torrent, c'est le grand moment, on va le dévier. Mais nous partons avant que l'eau n'arrive au barrage. Une bonne journée bien remplie, le soir une petite veillée avec ses chants et ses histoires, clôture le tout. Mercredi 11 Novembre Pour fêter cet anniversaire, nous avons le droit d'assister passivement au lever des couleurs. Journée par ailleurs pleine de nouvelles : les anglo-américains ont pris Alger, Oran ; les allemands occupent la zone dite libre. On boulonne quand même : l'eau coule dans le nouveau barrage. Le bois descend le long des pentes et remonte au chalet à "dos de volontaires". La cantine se monte, mais les tartines de confiture et les bouchées descendent vite, plus que les bouteilles d'encre et les tubes de pâte dentifrice. Le téléphone est branché de St Guérin à Beaufort. Il marche ! On va se coucher. |